Toute jeune fête des Cours et déjà des habitudes.
Le vendredi 25 juin, les forains installent leurs stands, comme en 1908, sur le cours Choisy et le cours de la préfecture ainsi qu’ils le feront jusqu’en 2005. Evidemment le montage de ce matériel particulier et parfois de taille impressionnante attire des curieux qui s’attardent volontiers tout en imaginant les très prochains bons moments.
On tirera encore à la carabine même si on est maladroit, on tentera sa chance à des loteries bien fournies en lots de pacotille qu’on rapportera comme des trophées, on mangera des bonbons, nougats et autres délices trop sucrés, on boira de bons coups*, on assistera à des concerts, on regardera passer des véhicules artistement décorés et, surtout, on profitera pleinement des attractions tellement surprenantes et divertissantes.
En cette année 1909, comment ne pas être époustouflé par les animaux du théâtre-cirque Salvator dressés par LE professeur Salvator : zèbres, antilopes, buffle indien monté par un cavalier comique, l’éléphant Charly déguisé en nourrice qui peut bercer, soigner, coucher et lever un bébé, singes trapézistes et acrobates, chats écuyers, orang-outan qui boit et fume comme un homme ?
Comment ne pas se réjouir de l’arrivée du grand palais modern-électricité, du plus beau cinématographe du voyage en France, du manipulateur Francis Delamarre des Folies-Bergères, du cinéma parlant et chantant avec artistes de l’Opéra-comique du célèbre Bazola ? Comment ne pas avoir envie d’éprouver des sensations vertigineuses sur les montagnes russes Jault (nouvelles venues à Moulins) ? Comment les enfants ne pourraient-ils pas être impatients de tourner sur le grand carrousel Brizon au son de l’orgue mécanique, sur les manège d’auto-aéroplanes, de dirigeables ou d’animaux en peau naturelle (le fin du fin à l’époque !) ?
Les musiciens du secteur (Lyre moulinoise, fanfare d’Yzeure, fanfare de la garnison) étendu à Nevers et ses tambours et trompettes du peloton d’avant-garde se font entendre au kiosque de la préfecture certains soirs de la semaine. Le samedi 3 juillet, la société de trompettes (un mois d’existence), l’Etendard moulinois, se produit pour la première fois devant un public pour répondre aux nombreuses sollicitations du comité des fêtes.
C’est le jeudi 1er juillet à 15 heures que les enfants se retrouvent près de la préfecture. Ils sont conviés à un lâcher de ballons et montgolfières surprises, munis de tickets-primes qui donnent droit à des lots offerts par les commerçants moulinois, très généreux dit-on. Juste après, l’orchestre Clément et ses cinq musiciens jouent pour les petits (on en compte plus de 300) qui, pendant deux heures dans une enceinte qui leur est réservée, s’en donnent à cœur joie entre danses plus ou moins improvisées, dégustation parfois désordonnée des gâteaux présentés dans des corbeilles. La maison Aubry leur offre des pantins. A noter que les adultes, principalement des mamans, peuvent s’asseoir sur une chaise contre 20 centimes.
Le soir, à la lumière très appréciée des feux de Bengale, l’orchestre de l’Université populaire dirigé par Pierre Chaumas apporte un fond sonore à la démonstration gymnique de la Bourbonnaise dirigé par Guillaume Barbe.
La joie, la détente, la bonne humeur n’empêchent pas de penser aux démunis de la ville et aux sinistrés du tremblement de terre de Provence** à qui sera reversé le produit de la quête. De plus, les forains (notamment Jault, Geisenhofer, Salvator et Mme Brizon) distribuent des billets de faveur pour permettre l’accès gratuit à leurs attractions.
Au dernier jour de fête, le 2e défilé fleuri, est un succès populaire dès son rassemblement place de la République (jardin de la gare) vers 16 heures. Enthousiasme et applaudissements au passage des bicyclettes de messieurs Franchisseur, Raymond, Larmet, Thévenet, couvertes de fleurs et conduites par de jeunes personnes, des autos du C.S.M et de la brasserie Schneider prêtées par MM Baudron et Pichonnet, du moulin Bréchimbault imaginé par la maison Loizel, des voitures de livraison des maisons Calondre, Buck et Faulconnier, des attelages de poneys de messieurs Pichonnet et Auclair et de Mme Gajot, des landaus du comité des fêtes mis à disposition par messieurs Faulconnier, Papotier, Moret et Pichonnet, décorés par la maison Rampon d’où des fillettes costumées en Bourbonnaises lancent fleurs et confetti, du break de chasse prêté par Monsieur Auguste décoré par maison Bussière, des voitures du F.CM, de la blanchisserie bourbonnaise, de M. Bobier, etc. Ils sont accompagnés par les tambours et clairons du Peloton d’avant-garde de Nevers qui compte dans ses rangs le plus jeune tambour-major de France âgé de 4 ans, la Lyre moulinoise et les gymnastes de la Bourbonnaise.
Les organisateurs, messieurs Bussière, négociant en rubans rue Gambetta, Vidard rue de Lyon, Bonnet hôtel de la Poste, Auclair, Rampon et Chatron ont lancé un appel aux dons de fleurs quelques jours avant la fête.
Itinéraire :
Place de la république - rue de Montluçon rue Philippe-Thomas actuelle) - avenue Meunier - rue de Lyon - boulevard de Courtais - avenue Nationale - cours du Théâtre - rue d’Allier - tour de la place d’Allier - rue Paul-Bert - rue Gambetta - rue des Couteliers - rue de la Flèche - rue de l’Horloge - rue François-Péron - rue Diderot - dislocation à la préfecture.
Sans temps mort, voici qu’est lancé, à 17 heures, le tour pédestre, de Moulins, 2e du nom également, depuis le cours de la préfecture près de l’avenue Victor-Hugo avec retour au même endroit au bout de 5 km de parcours. Monsieur Paul de la commission de course à pied du FCM encadre les vingt partants qui devront se repérer aux flèches plantées dans les rues. Pierre Faure est le directeur de course, Paul Chatron, starter et juge.
R. Thomas de Nevers (en 14’ 32’’ 3/5 soit environ 16 km/h) l’emporte, suivi à 80 mètres de Penet, Tabutin, Genty, L. Thomas (tous les 4 du P.A.G.), Viller du C.N.A de Nevers, Grousson du P.A.G, Bouchy du F.C.M. (16’ 40’’), Ferembach du P.A.G., Tissot du C.N.A, Jolivet, etc.
Les trois premiers sont gratifiés des médailles de vermeil, argent et bronze du comité des fêtes.
La première équipe, celle du Peloton d’avant-garde de Nevers, gagne l’objet d’art du challenge dont elle a la charge pendant un an. La deuxième équipe est le club nivernais d’amateurs et la troisième est le Football Club de Moulins. Bouchy (8e) gagne la médaille d’argent offerte par un anonyme au 1er classé du FCM.
La fête foraine existe toujours à Moulins, du 1er samedi du mois de juillet au dimanche de la semaine suivante. Mais, ce n’est plus la « fête des Cours ». En 2006, à la suite de la rénovation des cours, elle fait un passage éclair et déplorable au parc des Isles à Avermes. Elle est ensuite envoyée à la plaine des Champins jusqu’en 2011. Le public n’est pas au rendez-vous et, en 2012, les forains s’installent place Maréchal de Lattre de Tassigny près du centre-ville.
D’une durée d’une semaine à sa création en 1908 (du dimanche après le 24 juin au dimanche suivant inclus, puis du dimanche précédant le 14 juillet au dimanche suivant par arrêté du 20 décembre 1913 pris par le maire de Moulins, monsieur Darfour, ou du 7 au 14 juillet quand le 14 juillet tombe un dimanche), elle passe à deux semaines en 1924 (arrêté de monsieur Blanc, maire) du 1er dimanche de juillet au 3ème dimanche inclus.
Louis Delallier
*Les débits de boissons sont autorisés à rester ouverts jusqu’à 2 heures par arrêté municipal.
** Le 11 juin vers 21h15, un séisme se produit à 20 km au nord-ouest d'Aix en Provence. Il tue 46 personnes et en blesse au moins 250. Des milliers de logements sont détruits ou endommagés (dont 1500 à Aix-en Provence). Le village de Lambesc est rayé de la carte.
Voir aussi mes articles sur les fêtes de 1908, 1910, 1914, 1919, 1947 et 1948.