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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Des marchands de stucchini à Moulins

Publié le 24 Octobre 2021 par Louisdelallier in Commerce

Larmes et sourires de l’émigration italienne (1908) de Raniero Paulucci di Calboli, p 7

Larmes et sourires de l’émigration italienne (1908) de Raniero Paulucci di Calboli, p 7

On les a vus de passage à Moulins, ces petits mouleurs-vendeurs de statuettes en plâtre, itinérants, notamment en mars 1900. Ces très jeunes Italiens originaires de Lucques pour la plupart d’entre eux constituent une partie du vaste mouvement migratoire entamé au XVIIIe siècle qui s’amplifie de la moitié du XIXe au début du XXe. Ils parcourent le pays pour placer leurs moulages d’œuvres d’Alexandre Falguière (Diane), de Paul Dubois (le Chanteur Florentin), René de Saint-Marceaux, Emmanuel Frémiet, Denys Puech (la Sirène) et autres Pêcheurs, Arlequin, Faust et Marguerite, Napoléon 1er très appréciés des clients. On les dit polis, honnêtes et courageux.

Contribuent-ils à la diffusion de l‘art ou sont-ils des contrefacteurs nuisibles aux artistes* ? Les avis sont partagés. 

Dans Larmes et sourires de l’émigration italienne (1908), Raniero Paulucci di Calboli, marquis et premier secrétaire à l’ambassade d’Italie à Paris, prend fait et cause pour eux. Il dépeint et dénonce leur vie de misère : logements sales, peu ou pas d’hygiène, lever à 5 heures en été et 6 heures en hiver. Le moins bon vendeur de la veille doit se lever avant tout le monde pour préparer le café. Les padroni qui les exploitent en logent le plus grand nombre dans le moins d’espace possible (jusqu’à 5 par lit pour économiser aussi sur les draps). Ils les nourrissent (café au lait et pain le matin - soupe de légumes et de pain à midi - ragoût de pommes de terre au saindoux très poivré le soir - de temps en temps un petit morceau de viande - un verre de vin à Pâques et à Noël) et les vêtent.

Parfois, certains n’osent pas rentrer le soir et s’endorment épuisés sur un banc au risque du vol ou la destruction de leur stock qu’ils transportent dans de grands paniers**. Ils devraient être payés 8 à 10 francs par mois pendant les trois premières années (première campagne), puis 12 à 15 francs (deuxième campagne) et 18 à 25 francs (troisième campagne). Mais comme ils doivent remplacer les objets cassés, il ne leur reste souvent plus un sou. Ces conditions de vie extrêmement dures et de travail les poussent à tenter de vendre quelques centimes supplémentaires les statuettes qu’ils ont la charge d’écouler pour aller chez le boulanger ou le marchand de fritures. Malheur à celui qui aura oublié un sou dans ses poches. Le padrone, qui inspecte les vêtements la nuit, le réveillera pour le battre.

En 1900, Georges Leygues, ministre des Beaux-Arts, et Alexandre Millerand, ministre du commerce, quant à eux, n’entendent pas leur faciliter la tâche, voire espèrent interdire ce commerce, en étendant la loi des 19 et 24 juillet 1790 sur la propriété artistique et littéraire. De plus, les critiques sur les traitements cruels infligés aux figuranai et un durcissement des réglementations sur le colportage et l’immigration font progressivement péricliter cette activité.  

 

Louis Delallier

 

*Le sculpteur Auguste Rodin raconte en 1900 qu’il avait eu plaisir quand il était étudiant à acheter ces moulages qui lui « donnaient l’instruction et une joie immense ». (Du colportage au musée du Louvre - Les mouleurs italiens en France au tournant du XIXe siècle, Paule Carminati, 2018).

**Au début, ils utilisaient des planches qu’ils portaient en équilibre sur la tête.

 

 

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