On nous annonce régulièrement sa suppression prochaine. Pourtant, la revoici ! C’est un changement familier qui, deux fois par an, relance le débat entre pour et contre. En 1927, on reconnaissait les économies engendrées par ce changement semestriel. Les touristes l’appréciaient tout autant que les salariés qui profitaient de cette heure supplémentaire de lumière du jour après leur journée de travail. D’autres mettaient en avant les désordres physiologiques subis, etc. Les arguments avancés au XXIe siècle sont loin d’être tout neufs.
Ce bouleversement ne date donc pas d’hier, ni même du choc pétrolier des années 70. En France, il faut remonter en 1916, année où le député André Honnorat lance le débat au parlement en justifiant sa proposition par les économies qui en découleraient. L’enthousiasme n’est pas manifeste chez les élus. Ceux qui représentent le monde rural n’en voient pas l’utilité pour les agriculteurs qui travaillent avec le soleil. On pense qu’il sera difficile de l’imposer partout. Les pendules des fermes, des églises, des mairies risquent bien de ne pas donner la bonne heure. Ce serait la pagaille assurée. Le professeur Allemand du bureau des longitudes à l’Académie des sciences, déclare que cela gênerait la navigation car, en pleine mer, la montre du marin ne serait plus en accord avec l’heure de Greenwich.
Néanmoins, après de longs débats, la décision est prise dans la nuit du 14 au 15 juin, les Français devront se soumettre à une heure d’hiver (fin octobre) et une heure d’été (premier samedi d’avril). Cela ne durera que pendant les hostilités affirme-t-on. Mais qui aurait pu prévoir que l’alternance d’heures hivernales et estivales se prolongerait jusqu’à la fin des deuxièmes hostilités du siècle ?
Une autre remontée dans le temps nous conduit au véritable père de l’heure d’été. Il s’agit de l’Américain Benjamin Franklin, connu pour l’invention du paratonnerre, et qui était tout à la fois éditeur, écrivain, physicien, philosophe, politicien, abolitionniste, artisan de l’indépendance américaine, moraliste. Une action et une vie hors du commun tournées vers le progrès pour tous par l’amélioration des conditions de vie.
Un jour du printemps 1784, il est réveillé à 5 heures du matin par le soleil qui inonde sa chambre, son valet ayant oublié de fermer les volets. Il n’en faut pas plus à ce fils de marchand de suif et de chandelles pour comprendre l’économie réalisable en se levant plus tôt. Dès le lendemain, et les jours suivants, il se lève à 4 heures.
Il publie une lettre sur le sujet dans le Journal de Paris du 26 avril de la même année. Il n’y va pas de main morte en suggérant de taxer les volets des fenêtres, de rationner les chandelles, de faire sonner les cloches au lever du jour, et pourquoi pas de tirer le canon dans les rues pour les plus paresseux… Cette exagération amusante est suivie d’un exposé réaliste qui s’appuie sur des chiffres. Benjamin Franklin se base sur les 183 nuits comprises entre le 20 mars et le 20 septembre et 7 heures pendant lesquelles on brûle des bougies, soit 1 281 heures à multiplier par 100 000 familles parisiennes. Il convient ensuite d’estimer le nombre de bougies consumées pendant ces 128 100 000 heures pour aboutir à une somme considérable.
Une petite différence toutefois avec ce que nous connaissons, Benjamin Franklin souhaitait que les gens se réveillent plus tôt sans pour autant modifier les heures.
Pour finir, voici un truc pour se rappeler si on doit avancer ou reculer d’une heure, question inévitable pour nombre d’entre nous :
en octobre, on recule / en avril, on avance (ça ne marche pas avec mars…).
Louis Delallier