Jean Berger et Claude Barillot sont associés à Moulins depuis 1866. Leur établissement agricole est situé avenue de chemin de fer (avenue Général-Leclerc actuelle). On y fabrique des instruments pour l’agriculture. On y vend des graines de trèfle, de luzerne, du guano, des phosphates, des graines de grande culture, des vessards de printemps, des laveurs de topinambours, des bascules locomobiles pour peser les bestiaux, des bascules de grenier, des coupe-racines, des barattes atmosphériques avec thermomètre en cristal, des auges en fonte pour l’engraissement des bestiaux, des fourneaux et buanderies pour cuire la pomme de terre, des tourteaux de lin, de colza. Une aide à la formation de prairies temporaires et permanentes est proposée.
En 1882, l’offre d’installation de 10 modèles d’écuries et de selleries, passée au rang de préoccupation capitale, devient un nouvel argument publicitaire.
Le Panthéon de l’industrie du 5 juillet 1885 leur fait une belle place dans ses colonnes à l’occasion de l’exposition de Moulins. Il faut dire que la création Berger-Barillot et Giraud d’un thermosiphon tubulaire vertical à feu continu pour un chauffage économique des serres fait grand bruit.
N'a-t-il pas déjà obtenu 249 médailles d’or, argent et bronze, trois diplômes d’honneur, deux prix spéciaux et cinq premiers prix et deux médailles d’argent à l’exposition universelle de Paris en 1878 ? Cette excellence leur vaut d’avoir vendu 1903 appareils en 6 ans.
Ce thermosiphon vertical, qui remplace le thermosiphon horizontal moins performant, est réputé simple, solide, économique en combustible ordinaire. Il procure une chaleur égale et continue, se nettoie rapidement et commodément. Sa surveillance facile est un autre atout. La maison Berger et Barillot a décidé de fabriquer elle-même les éléments de ses selleries et écuries. Cela évite des démarches longues et coûteuses à Paris ou à l’étranger, des transports onéreux. La fabrication locale a l’avantage d’employer une main d’œuvre meilleur marché et d’utiliser du bois tout aussi local et de première qualité entièrement sec. Les stalles et box à châssis de fer sont plus légers, élégants et solides. Une écurie complète est visible dans les locaux de l’entreprise qui installe dans toute la France.
En février 1891, Jean Berger, dit le « père Berger » prend sa retraite. Un portrait de lui, paru dans le Courrier de l’Allier, le dépeint comme toujours souriant et parlant avec une voix claironnante audible de l’autre côté du jardin de la gare. Cette figure du commerce moulinoise a la réputation d’être arrangeant avec ses clients. Il tope dans la main et l’affaire est faite. Sa loyauté et sa charité sont bien connues. A un mendiant venu récolter un peu d’argent, il pouvait dire « Mais, bougre de feignant, pourquoi ne travaillez-vous pas ? Si c’est pas une honte, un homme de votre âge ! Tenez, voilà 20 sous. Attendez-moi une minute, je vais vous chercher une bouteille de vin. »
Le vin est une passion pour lui. Il possède une collection de crus orignaux et renommés alors qu’il ne boit que de l’eau ! Il collectionne également les armes comme les arquebuses, les cimeterres, les tromblons, les fusil Gras. Bien que n’ayant pas fait son service militaire, il passe du temps à améliorer les chaussures des soldats en combinant plusieurs modèles. En 1870, il contribue avec ardeur à l’organisation d’une ambulance pour les secours aux blessés. Il est aussi ardent dans sa défense des animaux jusqu’à s’en prendre à ceux qu’il appelle leurs bourreaux. Sa phrase favorite lorsqu’il rencontre quelqu’un est « Rien de nouveau dans les choses de la politique ? ». Dans la lettre qu’il envoie au Courrier de l’Allier, il constate qu’il va devenir un de ces rentiers qu’il a tant critiqués…
Ce grand vieillard bienveillant décède dans une station thermale près de Tunis en janvier 1893, sans doute d’une syncope. Il était en voyage d’études agricoles.
Après le départ à la retraite de son associé, Claude Barillot dirige la maison quelque temps avec un certain Jardillier, puis seul pendant une dizaine d’années avant de s’associer avec Lucien Chambron*. Les affaires sont prospères. Médaillés or et argent encore, ils affichent en 1906 encore une belle variété de produits :
Instruments d’agriculture et de viticulture - Moteurs à gaz, à essence, à pétrole et moulins concasseurs - Constructions de serres, vérandas, jardins d’hiver - Chauffage de serres, bureaux, pensions, cafés - Béliers hydrauliques, siphons et moulins à vent - Conduites d’eau, pompes et réservoirs ; fers pour bâtiments - Installation et articles d’écuries - Sellerie : fabrication, réparations et fournitures - Charbons : charbons, coke, anthracite, briquettes. En marge de leur activité principale, ils proposent des consultations agricoles gratuites et abritent le bureau de l’Agriculteur bourbonnais.
Claude Barillot est considéré comme l’un des plus sympathiques représentants de l’industrie moulinoise. Il est aussi administrateur délégué de la banque de France. Par son mariage avec Jacquette Julliard en septembre 1866, il devient le beau-frère de Lucien, lieutenant d’artillerie, futur général de division. Il décède à Moulins le 20 août 1909, regretté de tous y compris de son personnel.
L’entreprise figure toujours dans l’annuaire de l’Allier de 1927 avec les mêmes spécificités liées à l’agriculture. Le fameux thermosiphon vertical est toujours au catalogue.
Louis Delallier