Jeudi 1er janvier 1914, le ciel est couvert. Une bise glaciale accentue le froid. La température ne dépasse pas 2° en dessous de zéro au meilleur de la journée. Le sol encore enneigé est glissant et trop peu sablé. On regrette le temps où le « petit génie » faisait merveille dans les rues. Peut-être ce manque de main-d’œuvre est-il le résultat de l’assistance aux vieillards et de la loi sur les retraites de 1910. Les déshérités âgés n’auraient-ils même plus besoin de s’escrimer à entretenir les rues pour quelques subsides municipaux ?
A chaque étage on carillonne.
On reçoit, on donne.
On sort, on re-sonne.
Chacun vient, va, monte et descend.
V’la ce que c’est que l’jour de l’an !
Loin d’imaginer la catastrophe à venir et son ampleur malgré un bruit de fond belliqueux s’amplifiant, les Moulinois respectent la tradition des voeux et des étrennes. Ramasseur de poubelles, facteur, porteuse de pain, gazier, concierge, serveur, cocher et autres reçoivent avec satisfaction leur petite gratification annuelle. L’usage n’est remis en question que par quelques pingres ou quelques défenseurs du droit à un meilleur salaire toute l’année en lieu et la place de cette obole bien maigre.
Une fois l’an, on se souhaite tout le bonheur et la santé possibles, une fois l’an, on prend des nouvelles de certains avec plus ou moins de contrainte, une fois l’an, on rend visite à d’autres avec plus ou moins de sérénité. Les enfants suivent parce qu’il faut bien et avec l’espoir de revenir à la maison en possession de chocolats, d’une pièce ou d’un jouet.
Pour les cadeaux du Père janvier, il a fallu courir les magasins à la recherche du jouet, du vêtement, de la babiole qui fera l’affaire. Les phrases ci-dessous montrent, si besoin, que le mode de pensée de nos ancêtres n’a pas pris une ride. Louis Delallier
Louis Delallier