Début décembre 1936, les Moulinois et habitants des environs découvrent le cinéma l’Artistic (entrée par la place Garibaldi) rénové et modernisé comme il se doit. Dans le dancing mitoyen, lui aussi refait à neuf, un bar est à la disposition des spectateurs pendant les entractes. L’entrée a été agrandie et éclairée selon les règles « up to date » comme s’amuse à l’écrire le journaliste du Courrier de l’Allier. Messieurs Willod, architecte D.P.L.G., Galfione et Grémillon, maîtres décorateurs moulinois ont parisianisé l’Artistic, ce qui est une fierté pour son propriétaire.
Pendant la semaine dite inaugurale, la direction a choisi de projeter un film très attendu par le public. Réalisé en 1935, il retrace les cent derniers jours de Napoléon entre son évasion de l’île d’Elbe et son départ comme prisonnier pour Sainte-Hélène. La reconstitution de son armée, la traversée des Alpes, la bataille de Waterloo, avec en fil rouge la cour impériale, les défections, les trahisons sont traitées avec une telle puissance que la critique affirme que c’est une œuvre inégalée depuis l’arrivée du cinéma parlant.
Ce film, en noir et blanc, au titre originel « Campo di Maggio » réalisé par Giovacchino Forzano*, a la particularité d’être l’adaptation d’une pièce de théâtre de Giovacchino Forzano et Benito Mussolini**.
Jean Tulard, l’un des meilleurs spécialistes de Napoléon et passionné par l’histoire du cinéma, voit, dans les phrases de la pièce prononcées par Napoléon, la main de Mussolini qui, satisfait de lui-même, aurait poussé à en faire un film produit par son fils Vittorio. Mussolini aurait dirigé les figurants avec savoir-faire. Néanmoins, le film a été une catastrophe sur le plan financier.
Louis Delallier
* avec Corrado Racca, Emilia Varini, Enzo Biliotti, Ernesto Marini et Marcello Giorda
**En décembre 1936, le fondateur du fascisme était président du conseil du royaume d’Italie et s’était déjà rapproché d’Adolf Hitler et de son régime nazi.