Malgré les apparences, ce miel et ces ours ne se sont jamais rencontrés.
À la fin du mois d’octobre 1936, un apiculteur de Contigny, à une trentaine de km de Moulins, prépare un colis du miel de ses ruches pour un ami habitant en Algérie. Tous les ans, il procède de la même façon, à savoir confier le paquet à un autre ami, Vichyssois celui-là, pour qu’il l’expédie de la gare de Vichy. Mais cette fois-ci, il a eu la main un peu lourde car il a emballé 21 kg au lieu de 20. Le Vichyssois est perplexe. Il n’arrive pas à se décider : payer un supplément ou enlever un kg ? L’apiculteur, consulté, choisit de tout envoyer. L’ami bourbonnais rapporte le tout à la gare et s’apprête à remplir le formulaire indispensable quand surgit une demande inattendue : fournir impérativement un certificat attestant que les abeilles productrices sont saines… Il faut par conséquent mander un vétérinaire qui devra se déplacer à Contigny pour examiner les insectes. Ce sera chose faite assez rapidement. L’essaim est en bonne santé et le miel peut voyager sans atteinte à la sécurité sanitaire !
Dans les même temps, à Moulins, un grand et un petit ours déambulent, tenus en laisse grâce à de lourdes chaînes par quatre bohémiennes dont une enfant. Ils sont censés danser, mais leurs dandinements sont sans conviction, harassés qu’ils sont par cette vie nomade et par des traitements sans ménagement.
On s’étonne grandement de ce spectacle disparu des villes depuis des lustres. La petite troupe n’est pas seule. Huit carrioles sont stationnées dont sont sortis des hommes et des singes, en démonstration eux-aussi.
La police applique la réglementation en vigueur et les renvoie sous d’autres cieux où ils tenteront d’intéresser le chaland et de récolter quelques sous avant de repartir à nouveau dans un périple incessant.
Louis Delallier