Jean Masseret, cultivateur aux Foucauds à Chemilly a donné un peu de travail à un chemineau.
Dans l’après-midi du samedi 24 novembre 1906, ce dernier est occupé à botteler de la paille quand il fait une mauvaise chute et se blesse très sérieusement à la colonne vertébrale.
Le patron s’empresse de se rendre à la mairie où le maire lui explique qu’il lui est impossible de prendre en charge le coût des soins* et lui suggère de contacter la gendarmerie. Les gendarmes, pas plus concernés, l’envoient à l’hôpital Saint-Joseph à Moulins.
Le chemineau est installé aussi confortablement que possible dans la carriole de la ferme sur un lit de paille pour supporter au mieux la dizaine de kilomètres à parcourir. A l’hôpital, le directeur ne peut agir contre le règlement et lui refuse l’entrée de son établissement. Il conseille aux deux hommes de s’adresser au bureau de police où, là encore, ils sont refoulés.
Ils se retrouvent bien découragés sur la place de l’hôtel de ville quand un passant les remarque. Une fois informé des difficultés rencontrées et de la souffrance de l’homme à tout faire, il assure qu’il paiera les frais de l’hospitalisation, ce que ne pouvait pas assumer Jean Masseret.
Le fermier et son journalier bien mal en point ne sont pas au bout de leur peines malgré ce geste charitable. L’administrateur de service à Saint-Joseph ne veut rien entendre. Des curieux s’attroupent et prodiguent de précieux conseils ! « Déposez-le à la porte, on finira bien par s’occuper de lui ! », « Reconduisez-le dans la cour du maire de Chemilly ».
Pendant ce temps, cette histoire a fini par arriver à la préfecture d’où l’ordre part d’admettre d’office le blessé à l’hôpital. Mais il est trop tard. Jean Masseret s’est décidé à rentrer à Chemilly installé tant bien que mal sur les bras de la charrette pour ne pas gêner son protégé à l’arrière.
Et la mauvaise journée n’est pas terminée pour autant. Sur la route, un cavalier pressé surprend le cheval qui s’emballe projetant à terre Jean Masseret dont un bras et une jambe passent sous une des roues, sans fracture heureusement. Le responsable de l’accident fait demi-tour pour le relever. La voiture qui continue son chemin avec son passager est vite arrêtée par le cavalier aidé par des personnes se trouvant au bord de la route. L’attelage parvient sans autre difficulté à bon port.
Celui dont on ne connaît pas le nom entrera à l’hôpital Saint-Joseph le 26 après un nouveau voyage douloureux vers Moulins qui plus est dans le froid automnal. La presse ne donne plus de ses nouvelles ensuite.
Louis Delallier
*la loi oblige alors les communes à payer les douze premiers jours d’hospitalisation des indigents inconnus trouvés sur leur territoire, le reste incombant à l’Etat.