En ce début de matinée du mardi 5 décembre 1895, nombreux étaient ceux dont l’attention avait été attirée par un bateau naviguant sur l’Allier. C’est un évènement car depuis déjà longtemps, la rivière, supplantée par le chemin de fer, n’est plus que rarement empruntée.
Près des bateaux-lavoirs, en amont du pont Régemortes, on vient juste de mettre à l’eau l’Alcyon que l’échouement attend quelques centaines de mètres plus loin sur le radier à la base des arches.
Une centaine de personnes, pas moins, se rassemble en peu de temps sur le pont, poste d’observation de premier ordre. Des petits malins, ravis de l’incident, s’époumonent « Démarrera ! Démarrera pas ! » narguant ouvertement le pilote.
Dans la foule, se trouve Simonnet, alias Camoinc, le colporteur de journaux dont la force et l’intrépidité sont connues de tous. On le met aussitôt au défi de tirer l’embarcation de son mauvais pas. Sans hésiter, il s’approche de la rive, enlève ses chaussures et se met à l’eau malgré le froid très hivernal. Une simple puissante poussée de sa part suffit à décoincer l’Alcyon qui reprend sa descente en direction d’Avermes.
Le bateau appartient à M. Guillaumin de Pouzy-Mézangy qui l’a fait équiper d’un moteur à pétrole de 100 kg et 2 CV, chez Pineau, constructeur-mécanicien, à Moulins. C’est son premier voyage pour regagner le Veurdre. Il est à bord avec Louis Boucat, le pilote et Pineau fils, mécanicien.
Le lendemain, le Courrier de l’Allier publie un rectificatif à son article après avoir reçu une lettre de Louis Boucat, le pilote, qui affirme être le seul à avoir sorti le bateau du radier. Inévitablement, il s’ensuit une deuxième rectificatif du journal auquel Simon a écrit. Il estime pouvoir citer 200 témoins de son efficacité quasi légendaire, mais se contente de Pineau fils aîné et du commis boucher, Got. Il revendique avoir mis lui-même le bateau en travers de « l’arc du pont » et l’avoir tenu. Il rappelle que ce n’est pas son premier coup d’essai et qu’il est réputé pour son dévouement comme soldat ou civil (voir mon article à son sujet).
La rédaction du Courrier de l’Allier déclare en conclusion que le différend est clos, convaincue par l’assurance de Simonnet.
Louis Delallier