Installé à Moulins dans les années 1870, Louis Fassier ne passe pas inaperçu en ville. Son métier de colporteur de journaux le rend incontournable et il sait s’y prendre. Il déambule en annonçant, de façon tonitruante, les dernières nouvelles accrocheuses. En plus de la presse locale, il vend des titres nationaux : « Demandez, messieurs, la P’tit’ Prrresse, jourrrnal arrivant de Parrris à l’instant même ! ». Si l’orientation politique des journaux ne lui pose pas de problème, « Je vendrais des fleurs de lys avec des bouquets de violettes », il semble que sa relation avec le Courrier de l’Allier n’ait pas été des plus cordiales sans qu’on sache pourquoi. Il n’en a jamais obtenu d’en faire la distribution.
Au début du mois d’août 1882, il s’autorise à envoyer un courrier à l’Indépendant signalant que son emploi de porteur à la Démocratie du Centre lui a été retiré sans motif. L’Indépendant aura à répondre devant la justice de la publication de cet encart (expurgé au préalable de toute son agressivité) considéré comme outrageant par M. Deslinières, directeur de la Démocratie.
Il ne ménage pas ses efforts pour gagner sa vie. Quand il le faut, il devient commissionnaire, porte des colis ou cire les bottes à l’entrée de la gare où il travaille aussi au buffet comme plongeur par intermittence. Il fait commerce de vaisselle, de fromages avec le même talent de bonimenteur.
Son apparence est tout aussi remarquable que sa voix. Excentrique. Fumeur de pipe, il se déplace en traînant les pieds, peut-être à cause de ses bottes, et salue avec gravité. Il lui arrive de porter avec classe une redingote et un chapeau haut-de-forme, chapeau qui dépasse parfois de son attirail d’homme-sandwich.
Après des démêlés avec la police dans sa jeunesse à Montluçon qui lui ont valu quelques années de prison, il ne fera plus parler de lui dans ce domaine. Et malgré son air peu engageant de vide-gousset et ses cris, il vit honnêtement et sans créer d’histoires.
Malheureusement pour Louis, son mariage en août 1887 avec une jeune mercière du marché couvert n’aboutit pas, bien que les bans aient été publiés. Et il cherche un réconfort occasionnel dans la boisson, ce qui ne l’empêche pas d’accomplir ses tâches, avec plus de vigueur toutefois. Il explique qu’il rit pour ne pas pleurer.
Il meurt le 13 septembre 1891 à l’hôpital Saint-Joseph des suites d’une rechute de bronchite. Il l’avait attrapée au cours d’allées et venues pour conduire à la gare des pensionnaires et leurs malles après les dernières remises de prix de fin d’année scolaire. Il n’avait que 37 ans.
Louis Delallier