Au cours de la première décade du mois de janvier, le thermomètre affiche jusqu’à moins 23°. Le froid intense tue plusieurs personnes. L’Allier et la Loire sont prises par la glace, de nombreux puits et fontaines sont gelés.
Puis le redoux survient, accompagné comme on le craignait d’abondantes chutes de neige (entre 20 et 30 cm à Moulins, au Montet, à Thiel, Dompierre, Lapalisse, Gannat, Montluçon et entre 40 et 50 cm à Cusset).
Le jeudi 15 au matin, Moulins se réveille sous une épaisse couche de neige qui continue à tomber dans la journée. Le « petit génie* », débordé, commence par le plus urgent, à savoir créer des chemins pour faciliter les déplacements. Mais à midi, la neige a encore tout recouvert. Et les rares piétons doivent, de plus, affronter le vent qui souffle en tempête.
Le mauvais temps entraîne de sérieuses perturbations dans la circulation des trains pendant deux jours. Le train de Saint-Germain-des-Fossés qui devait rejoindre Moulins à 10h 40 arrive avec 3 heures et 2 minutes de retard après un arrêt forcé à Varennes. Sur la ligne de Paray-le-Monial, le train omnibus de 10h 34 se trouve bloqué entre Montbeugny et Moulins. Un employé se risque à partir à pied dans la neige qui, poussée par le vent, atteint 2 mètres par endroit. Il parvient à faire appeler la gare de Moulins depuis la maison de garde-barrière la plus proche. Des chasse-neige, aussitôt envoyés, mettent un temps certain à parcourir les 8 km qui les séparent du train. Cinquante hommes de troupe sont également dépêchés. On commence par désobstruer les portières des wagons pour en faire sortir les voyageurs. Ces derniers gagnent les maisons voisines pour se procurer, difficilement, de la nourriture. La plupart termine le voyage à pied. Cinq passagers dont un militaire malade attendent la réouverture de la voie terminée seulement le lendemain matin entre 7 et 8 heures soit près de 24 heures plus tard.
Un train de marchandises parti de Moulins pour Mâcon, bloqué, revient à Moulins grâce au travail acharné des cheminots. Entre Thiel et Dompierre, une intervention réussit grâce aux employés venus de Paray-le-Monial.
La ligne d’Orléans est également soumise aux caprices de l’hiver qui occasionne des retards de 35 minutes et d’une heure. Sur la ligne de Paris, l’omnibus de 13h 28 entre en gare de Moulins à 16h 06. L’express de 15h 23 accumule 68 minutes de retard.
On signale des problèmes équivalents sur le réseau de l’Economique (aussi nommé tacot ou brouette départementale) notamment pour les convois en direction de Lapeyrouse, Chantelle et Montluçon. Les occupants des trains en panne à Billezois sont conduits très tard dans la nuit à Saint-Germain-des-Fossés.
Les facteurs ruraux comme ceux de Chevagnes et de Jaligny subissent d’importantes complications dans leur distribution du courrier. Celui de Dornes s’égare dans la neige. Le village reste trois jours coupé du monde. Une lettre adressée au Courrier de l’Allier met une semaine à arriver. Un entrefilet annonce même (heureusement à tort) le décès du facteur de Limoise dans la « grande tourmente de neige ».
Pendant ce temps à Moulins, le « petit génie » déblaie les rues sans dételer et évacue la neige et la glace à pleins tombereaux dans la rivière. Leur effort ne paraît pas malgré l’acharnement qu’ils y consacrent. Dans une rue, passent deux chevaux tirant une voiture dont les roues ont été remplacées par des patins. Un homme se déplace sur des patins à glace. Peut-être s’entraîne-t-il pour participer à la fête du patinage du samedi 21 janvier à partir de 20 heures à la gare aux bateaux. L’organisation de cet évènement prévoit des braséros pour les moins endurcis qui pourront venir s’y réchauffer, des illuminations, un buffet, une animation musicale par des soldats trompettistes et un service d’ordre à la charge des militaires du quartier Villars. On en attend quelques bénéfices pour les pauvres.
Quand vient le dégel, la situation en ville est loin d’être meilleure. Les tas de neige encore en place prennent une vilaine couleur marron et les rues se remplissent de flaques géantes au point que certains parlent d’affréter des gondoles !
Louis Delallier
*Voir mon article à son sujet