En 1889, alors que Moulins se familiarise avec Phénomène, de son vrai nom Stanislas Tanay, un autre personnage de ses amis continue à occuper le domaine public. Émile Guillermet, dit Phylloxéra ou encore Tape-à-l’œil accumule les dérapages, les provocations, et les emprisonnements jusqu’à « s’exiler » à Diou (35 km de Moulins) où il s’installe comme éleveur de chiens. Il y gagne un nouveau surnom, « La Ramée », et quelques nouvelles inimitiés. Son commerce animalier ne doit pas suffire financièrement car il mendie encore. Les paysans le croient volontiers responsable des vols commis dans les environs
Au début du mois de décembre 1895, Jean Passavant, garde-champêtre communal, doit abattre deux des chiens de Guillermet qui s’en prenaient aux poules du voisinage. Emile, qui n’entend pas laisser passer ce double « assassinat », demande des comptes à Passavant et déclenche une sévère bagarre. Un des chiens mord le garde-champêtre à deux endroits d’une jambe, ce qui laisse le temps à Guillermet de prendre la poudre d’escampette.
Le lendemain, il nie toute implication malgré les témoignages de voisins contre lui. Il est quand même verbalisé et devra se présenter devant le tribunal correctionnel.
A la mi-mars 1896, une escapade « aumône » à Bourbon-Lancy, distant de 13 km, se révèle très fructueuse. Mais l’attraction de l’alcool est trop forte et il dépense rapidement le petit pécule accumulé. Fort éméché, il tente de reprendre le chemin de son pauvre chez lui près de la Besbre. Malheureusement, il chute dans un fossé et se noie dans le fond d’eau qu’il contient, incapable de se relever, comme l’annonce Le Courrier de l’Allier. Le même journal confirme la nouvelle en signalant ses funérailles à Bourbon-Lancy. Il était originaire de Paray-le-Monial.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Un Guillermet en pleine forme, et quelque peu gris, réapparaît à Moulins, précisément dans la cour du palais de justice. Il y exécute une espèce de gigue sous les encouragements d’élèves criant « Bis, Tape-à-l’œil ». Il se dit qu’il a l’intention d’intenter un procès au garde-champêtre de Diou pour obtenir des dommages et intérêts. En attendant, il est renvoyé à d’autres occupations.
Comme mentionné dans mon article sur son collègue de rue Stanislas Tanay, deux pages de l’un des numéros de 1889 du petit journal humoristique de la rue de l’Horloge sont consacrées aux deux comparses. Et une chanson de deux couplets sur leurs exploits circule en ville.
Louis Delallier