Le petit kiosque du jardin de la gare (ou place de la République) juste au départ de l’avenue de Chagny (rue Marcellin-Desboutin actuelle), occupait une position stratégique bien visible des voyageurs. Depuis 1894, il était loué à la ville de Moulins par Antoine Chevalérias, boulanger. Mais le 12 décembre 1900, le Courrier de l’Allier reprend un entrefilet du Messager annonçant son suicide à Juvisy, miné par de mauvaises affaires. On apprend qu’il était parti de Moulins pour Paris dans l’espoir de faire fortune en vendant des brioches et des gâteaux à l’exposition universelle. Six jours plus tard, le journal publie un démenti de M. Chevalérias soi-même qui affirme tenir un commerce florissant rue Oberkampf à Paris. Le 22 décembre, il écrit au maire de Moulins pour solliciter la résiliation de la convention qui le lie à la Ville car il ne compte pas revenir. Satisfaction lui est donnée au conseil municipal du 16 février suivant.
Malheureusement le 14 mai, Antoine Chevalérias décède Porte d’Aubervilliers à Paris. Il avait 44 ans. Son acte de décès précise qu’il était marchand ambulant et habitait 145 rue Oberkampf dans le 11e arrondissement. Il laisse une dette de 50 francs que ses héritiers ne peuvent pas rembourser. Conformément aux termes de la convention, la Ville devient propriétaire du kiosque.
M. Raymond, boulanger rue de la Fraternité, prend ce point de vente en location le 1er juillet contre une redevance annuelle de 100 francs. Il fait cette opération davantage pour éviter qu’un concurrent ne prenne la place que pour le rapport d’un tel commerce.
Le 23 novembre 1903, le conseil municipal lui refuse la cession du bail à M. Hélion, pharmacien qui veut le transformer en kiosque-réclame. Le 1er décembre, le comité d’action sociale et démocratique se réunit dans la baraque chauffée pour l’occasion.
En novembre 1905, ce kiosque, maintenu fermé par M Raymond, est recouvert d’affiches commerciales et électorales et enlaidit la place de la République. La municipalité décide d’ajouter une clause dans le nouveau bail (prévu au 1er juillet 1907) exigeant du nouveau locataire qu’il l’ouvre au public. A la fin de ce même mois de novembre, les élus rejettent la demande de résiliation du bail présentée par M. Raymond à cause de la gêne causée par les travaux de réfection des trottoirs en cours. Il doit même rouvrir en vertu du cahier des charges. Ce n’est qu’en juillet 1906 qu’il obtient l’accord municipal de sous-louer le pavillon à Eugène Prévost pour la vente de lait stérilisé dont le laboratoire de fabrication se situe 20 rue des Couteliers. On note que la serveuse est charmante.
D’autres petits bâtiments de ce type existent ailleurs en ville. En août 1891, un kiosque-toilette est construit sur le cours du Théâtre (cours Jean-Jaurès actuel) près de la place aux Cuirs (à proximité de la chambre de commerce). Monsieur Dillon en est le gérant. On peut y faire cirer ses bottes et ses bottines à n’importe quel moment dans la journée.
En novembre 1894, le conseil municipal concède la location d’un autre kiosque du cours du Théâtre à M. Petit fils qui remplace ainsi ses parents décédés qui le louaient depuis une décennie.
Le kiosque à journaux de la place d’Allier, tenu par Barthélémy Deschaume*, est repris par madame Petit, libraire, à la suite d’un accord municipal du 25 novembre 1902. En février 1906, elle est autorisée à céder les emplacements qu’elle n’utilise pas pour ses journaux à des commerçants pour leurs réclames. L’édicule « vermoulu et rapetassé » est démoli à la fin février 1924. Il était le dernier kiosque moulinois.
Les quatre premiers construits en ville l’ont été après l’avis favorable du conseil municipal de décembre 1868 à la suite de la demande d’Alexandre Colançon, habitant rue Saint-Dominique (rue du Pont-Ginguet actuelle). Leur implantation, cours Bérulle (cours Jean-Jaurès entre le théâtre et la rue d’Allier), cours d’Aquin (cours Jean-Jaurès entre la rue d’Allier et la rue Diderot) en face du bureau du télégraphe, place d’Allier derrière la fontaine et sur la place près du pont Régemortes, est le fruit de la décision municipale. M. Colançon y mettait en vente des journaux, de la petite librairie, des articles de Paris, des cigares de luxe et étrangers. Il en avait fourni les plans et obtenu la gestion pour quinze ans. Chaque édicule avait une surface de 4,37 m2. Au mois de mars suivant, le conseil municipal examine une autre demande de Monsieur Colançon. Il voudrait établir un kiosque sur la place du chemin de fer près de la gare à la place de celui du pont. Cette fois, le conseil municipal refuse car cela pourrait gêner la circulation. Il attend de constater les avantages et les inconvénients produits par le fonctionnement des autres kiosques.
Louis Delallier
*Cet homme, parti à Saint-Étienne pour travailler, y sera victime d’un assassinat en novembre 1891.