Le temps des étrennes approchant, les commerçants investissent dans des encarts publicitaires qu’ils font publier à plusieurs reprises dans la presse locale pour se rappeler au bon souvenir des lecteurs, potentiels clients. La tradition est encore aux cadeaux distribués par le Père Janvier. Ce vieillard barbu peut faire penser à un autre barbu vêtu de rouge qui n’a pas encore vraiment fait son apparition. Le négoce saura s’appuyer autant sur l’un que sur l’autre. Nos Moulinois, propriétaires de leur fonds de commerce pour la plupart, tentent de séduire les acheteurs, chacun à sa manière. Cela va d’une simple énumération des marchandises proposées à quelques exagérations bon enfant.
La rue d’Allier, principale artère commerçante moulinoise avec sa succession de magasins aux spécialités variées et parfois concurrentes, est en première ligne. En voici un petit aperçu qui permet de s’immerger dans un monde sans achats en ligne, sans vendeurs de téléphone ou encore sans boutiques éphémères.
A la Place d’Allier, Max Chesneau tient un grand magasin de nouveautés, tissus, confection, cravates, ganterie, ainsi nommé car il est presque le premier, à droite, lorsqu’on arrive de la place d’Allier.
J. Basset vend au n° 7 des parapluies, ombrelles, cannes, articles de voyage et couronnes funéraires. Cette maison de confiance va fermer et offre 80% de rabais sur tout son stock.
Six mois avant le transfert de sa boutique au n° 26, le bijoutier Desmaroux annonce une grande liquidation d’horlogerie, bijouterie et orfèvrerie, de la bague en or à 3 francs au diamant et aux articles de luxe, tous vendus avec réduction de 35 à 40 %. Le lyrisme ne l’effraie pas :
Moulinois : à l’heure où la nuit étendra ses voiles, où le vieux Jacquemart étincellera dans sa lanterne, arrêtez-vous un instant devant la maison Desmaroux 9 rue d’Allier.
La maison Paul au 26 vend des fleurs et fantaisies pour soirée sans plus de fioritures.
Aux 100 000 Paletots, n° 33, Mme veuve Léon Moïse offre des rabais sur toutes les confections dames et fillettes, met en avant sa spécialité de jaquettes, genre tailleur pour dames, ses vêtements sur mesure pour homme à la coupe et la façon irréprochables, livrés en 24 heures. Cette autre maison de confiance fondée en 1850 présente un choix considérable de draperies haute nouveauté, de pèlerines lorraines, de robes de chambres et coins de feu.
La Maison Choquet ne s’embarrasse pas de modestie dans sa promotion :
Une merveille, un enchantement, une féérie. Tout ce que l’imagination peut rêver de plus coquet dans le choix de riches nouveautés, tout ce que la fantaisie entrevoit d’adorable, tout ce que l’élégance la plus raffinée peut souhaiter est réalisé. On a pu entendre les murmures d’admiration devant la vitrine du 34 rue d’Allier. Le style superbe fait ressortir sa maroquinerie : porte-monnaie, porte-cartes, étuis à cigarettes et cigares, trousses de poche et de voyage, sacs, gibecières, etc. Ses coffrets, nécessaires, caves à parfums, albums, articles pour fumeurs, tabletterie, éventails, livres et écrins pour mariage, etc. Pas de spectacle plus intéressant pour la fantaisie et la coquetterie.
Chez Jugeat-Paturet, successeur de Mortellier et Bataillet, n° 39, spécialiste de graines et engrais, ce sont oignons fleurs de Hollande de tout premier choix pour appartement ou pleine terre, jacinthes, tulipes, anémones, renoncules, crocus, etc.
Le magasin de réassortiment Giraudet, spécialité de parfumerie à prix de gros, au 53, s’est approvisionné en eau dentifrice des Bénédictins, savon des princes du Congo et en éventails pour mariages. Des expéditions à domicile sont possibles sur demande.
La maison Delaume et Besson, n° 57, engage à entrer pour découvrir ses assortiments considérables en mouchoirs brodés, foulards, lingerie fine, services et chemins de table, napperons fantaisie couleur (nouveauté très demandée), linge à thé, ses riches édredons américains, ses chemises sur mesure, ses trousseaux de mariage et de pensions.
Le n° 58 (angle rue Voltaire) est occupé par le magasin Chatron-Dailhoux qui se considère comme l’un des plus importants du Centre pour la fabrication de ses tapisseries, ouvrages de dames et layettes d’enfants dessinées. Cette maison pouvant fabriquer à meilleur marché que toute autre se recommande elle-même aux personnes qui aiment le travail artistique à des prix très avantageux.
Pour de bonnes chemises, faites sur mesure et allant irréprochablement, ainsi que des flanelles ne se rétrécissant pas, il suffit de s’adresser à la maison Leturcq et Cie, n°59 qui s’est attaché les services de deux coupeurs chemisiers, de premier ordre.
A la Parfumerie Albert Robin, au 65, le parfum, les articles de toilette sont à des prix défiant toute concurrence. Et le choix d’éventails, écrans, trousses, sacs de voyage, boîtes pour gants, mouchoirs, bijouterie, petits bronzes, maroquinerie est considérable. Un article qui semble sorti de nulle part est également en vente ; il s’agit d’un petit orgue de salon pouvant faire danser 30 personnes et jouant n’importe quel air. Le catalogue est envoyé franco de port.
Leriche-Montal, n° 70, mécanicien-spécialiste, affirme détenir le monopole général de vélocipèdes français et anglais qu’il vend, loue ou échange. En plus de son atelier spécial de mécanique pour réparations, il vient encore d’agrandir ses magasins, libres d’accès, qu’il a installés à l’instar des grandes maisons de Paris. Sa remarquable exposition de pièces et accessoires de toutes sortes, de modèles des plus grandes marques de vélocipèdes qu’il représente est le gage de son professionnalisme : Phébus, Hurtu-Hautin et Diligeon de Paris, Bayliss-Thomas, Humber et Cie de Coventry. Il attire l’attention sur des modèles pour dames comme la Phébus pneumatique Clincher, la Bayliss de couleur pneumatique, sur les tricycles et bicyclettes pour enfants, les Hurtu à caoutchouc creux de route et de courses. Il préconise de ne pas se laisser prendre aux fortes remises que les maisons de huitième ordre offrent ; il faut voir le prix de revient à qualité égale avant tout, toutes références seront données sur la place de Moulins, en ce qui concerne le grand nombre de machines vendues par la maison.
La maison Berthelot-Carrier, 79 rue d’Allier et 20 cours du Théâtre, dispose d’un grand choix de boîtes et objets artistiques, d’articles de fantaisie en soie peluche, cartonnages, vanneries, faïences, etc., bonbons dont la réputation n’est plus à faire, de liqueurs de marques et autres, de vins fins français et étrangers, d’épicerie fine et de comestibles de 1er choix.
Louis Delallier