Il est presque 20 heures. Trois cafés de la place d’Allier sont illuminés pour l’occasion. La population arrive de tous les quartiers de la ville. Mais, l’inauguration n’est pas officielle malgré la présence d’Eugène Bruel, maire, accompagné de MM Meige et Trimoullier. En effet, le marché, ouvert aux marchands depuis le 1er avril, a fait l’objet d’une demande de bénédiction, refusée par la municipalité radicale, tendance anticléricale, arrivée en place en 1876, avec toutefois liberté offerte à chaque personne de faire bénir sa place. Pour éviter toute manifestation de désapprobation, les élus tiennent donc à rester discrets. Cela ne les a pas empêchés de donner un tour républicain très audible à leur déambulation. La Lyre moulinoise, dûment informée de leur intention, joue la Marseillaise, jusqu’à trois fois. Ce serait inédit à Moulins depuis le 4 septembre 1870, jour de la proclamation de la Troisième République. De la foule monte un Vive la République ! qui ne sera repris par personne même si, au début de l’exécution des différents morceaux musicaux, des applaudissements sans raison apparente se sont fait entendre. A 22 heures, la non-inauguration prend fin sans incident.
Ce marché, à la structure métallique et aux murs de briques typiques du XIXe siècle, dont il ne reste aujourd’hui que la première pierre, bien cachée dans Monoprix, a subi une première rénovation un siècle après sa construction et enfin dans les années 2010 perdu toute ressemblance avec un marché ayant existé. Il est devenu un centre commercial à l’architecture banale.
Son édification avait été le résultat d’un long processus répondant à une demande ancienne des Moulinois. En 1860, un premier projet prévoit un bâtiment entre la place d’Allier et la rue des Halles. Il est aussitôt contrecarré par une proposition de construction à la place des Nouvelles galeries, en bas de la rue d’Allier. En juillet 1868, une commission chargée d’étudier la question est nommée par le conseil municipal. Les acquisitions immobilières et foncières se poursuivent dont l’hôtel de l’Etoile et l’hôtel de L’Ecu, place d’Allier. En juillet 1868, une commission chargée d’étudier la question est nommée par le conseil municipal. Les acquisitions immobilières et foncières se poursuivent dont l’hôtel de l’Etoile et l’hôtel de L’Ecu, place d’Allier.
Mais la guerre de 1870 porte un coup d’arrêt à ce bel élan. Ce n’est qu’en 1875 que les études sont relancées. Il apparaît alors plus que nécessaire de doter, enfin, Moulins d’un marché couvert digne de ce nom. Un recensement des commerçants de la place d’Allier établit leur nombre à 162 en « haut » et 350 à 400 cultivatrices et divers marchands dans la partie dite du « marché de la campagne ». Le marché aux poissons accueille 10 vendeurs. On trouve même des fermières installées à l’arrière du Sacré-Cœur.
Le projet de l’architecte Rondepierre retenu (trois pavillons sur 13 770 m2) comporte une superstructure métallique comme aux halles de Paris. Les travaux sont réalisés par l’entreprise parisienne Joret et Compagnie. Trois années encore sont traversées de polémiques entre notables*, mais aussi provenant de la population qui tient à conserver ses habitudes. La première pierre est posée le 16 septembre 1878 par Gabriel Vigne, maire, et ses adjoints Eugène Bruel et Auguste Volat. Dix années seront nécessaires à l’édification de tous les pavillons car un quatrième, apportant symétrie et unité, sera ajouté. Le hangar, construit en 1901 par l’entreprise Col pour abriter le marché des volailles, deviendra le 5e pavillon en 1937, entre la rue des halles et la rue Louis Laussedat.
Louis Delallier
*Félix Mathé, député bourbonnais d’extrême-gauche, se montre l’un des plus farouches opposants : Le marché projeté est trop grand pour Moulins - L'emplacement est mal choisi - Ce sera une oeuvre d'art coûteuse et en somme médiocre, incommode et insaalubre.