Jean-Marie Pouillen, menuisier, originaire de Garnat-sur-Engièvre à une trentaine de kilomètres à l’est de Moulins, épouse Marguerite Rimoux, couturière, en septembre 1874. Elle est la fille d’Antoine Rimoux, maître menuisier à Moulins. Peut-être la rencontre des jeunes gens s’est-elle faite parmi les planches.
Une publicité de 1889 montre qu’il s’est fait une vraie place dans la profession. La maison de confiance Pouillen, installée rue Jean-Jacques-Rousseau, y met en avant sa table* à transformations multiples, à côté de meubles de cuisine, bibliothèques, armoires, bancs, tables, buffets.
En 1902, l’établissement a déménagé au 8 cours du Théâtre et se nomme le Bazar de menuiserie. En plus des armoires, buffets et tables, on y fabrique des cercueils, des bacs et caisses à fleurs, des planches à repasser, à pâtisserie, à hacher, des échelles. Jean-Marie Pouillen liquide son atelier-magasin en juillet 1918 pour prendre sa retraite. Il décède à Moulins le 9 décembre 1922 à l’âge de 74 ans.
Après une vie sans histoires, il n’aurait jamais pu imaginer qu’on parlerait de lui jusque dans la presse nationale** en mai 1924.
Tout est parti de sa dernière volonté de léguer 60 000 francs à la ville de Moulins, en toute discrétion. Sa discrétion est telle que le notaire chargé de la succession, après de vaines recherches, conclut que Jean-Marie Pouillen est mort intestat. Il ne reste alors à ses six héritiers, dont plusieurs neveux et nièces du côté de son frère unique Jean, boucher (décédé en décembre 1907 à Yzeure), qu’à se partager l’intéressant héritage constitué de plusieurs immeubles et de mobilier.
Tout semble en ordre jusqu’à ce qu’Albertine Daubanay, négociante en meubles d’occasion rue de la Fraternité avec Jean Fayard son futur époux, ne se manifeste auprès du commissariat de police. Elle a en sa possession un vieil agenda-buvard*** du Bon Marché provenant de chez Pouillen dans lequel elle vient de découvrir deux documents manuscrits : un brouillon de bail et un TESTAMENT tout à fait valable daté du 1er août 1922. Veuf depuis le 25 juillet et sans enfant, Jean-Marie Pouillen y choisit la ville de Moulins comme légataire universelle hormis quelques dons particuliers.
Coup de tonnerre dans la famille Pouillen ! Non seulement, les héritiers sont dépossédés, mais au moins l’un d’entre eux avait déjà disposé de sa part en traitant avec un commerçant de la rue de Bourgogne.
Hippolyte Blanc, maire, est aussitôt prévenu de la bonne fortune qui touche sa ville. La nouvelle est transmise très rapidement aussi aux héritiers dont la moitié conteste, vainement, ce legs révélé bien tardivement. Le conseil municipal du 19 mai 1924 accepte à l’unanimité de recevoir la somme léguée dont il saura faire bon usage pour la population moulinoise.
Louis Delallier
* Brevetée en France et médaillée d’or à l’exposition internationale de Paris en 1885 et médaillée à Vienne, Nice, Zurich, etc. Elle s’emploie à volonté comme simple guéridon, table à jeu, à ouvrage, à thé, se transforme au moyen d’un mécanisme simple et solide en lecteur, pupitre, lutrin, chevalet de peinture et surtout table pour le lit, en procurant toutes les aises possibles à la personne alitée. Sa grande utilité en fait un meuble indispensable dans chaque famille.
** Le Petit Parisien/L’Ouest-Eclair/Le Quotidien/L’Avenir/Le Gaulois/Le Petit Marseillaise/La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz/Le Courrier de Saône-et-Loire/La Croix
***Agenda dont les feuillets roses bien qu’imprimés peuvent servir de buvard.