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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Février 1899, la mort d’un président

Publié le 25 Août 2024 par Louisdelallier

Félix Faure dans son cabinet de travail à l'Elysée - Diorama photographique, Rueff éditeur, 1895 (Gallica)

Félix Faure dans son cabinet de travail à l'Elysée - Diorama photographique, Rueff éditeur, 1895 (Gallica)

Jeudi 16 février 1899, la nouvelle se répand à grande vitesse. Félix Faure, président de la République française, vient de mourir subitement à 58 ans. La stupeur et l’émoi sont immenses*. À Moulins où il est venu deux fois** pendant les quatre ans de son mandat commencé le 17 janvier 1895, on fera les choses en grand. Les autorités catholiques et civiles se concertent afin de célébrer un service solennel à la cathédrale pour le repos de son âme. Il aura lieu le mardi 28 février à 11 heures. Le dimanche 26, les curés et les aumôniers sont chargés de réciter un De profundis partout où ils interviennent afin que chaque fidèle ait une pensée pour le défunt.

Les drapeaux sont aussitôt mis en berne et crêpés de noir. Les obsèques nationales ont lieu à Paris le 23 février. Y assisteront pour Moulins le maire Joseph Sorrel et les deux premiers élus du conseil municipal messieurs Ligat et Galland.

Ce jour-là, la préfecture, la mairie et les bureaux de poste sont fermés. Les deux distributions du courrier sont remises au lendemain. Seuls les guichets télégraphiques fonctionnent. Une urgence est vite arrivée. Les fonctionnaires et agents des administrations doivent respecter un mois de deuil. Dans l’exercice de leurs fonctions, les agents de police portent le crêpe à l’épée. Les employées des guichets de la Poste arborent un brassard de deuil. Dans d’autres administrations, les chefs de service prennent des vêtements sombres.

Le jour de la cérémonie religieuse présidée par monseigneur Dubourg, évêque de Moulins, la cathédrale aussi est en grand deuil : monumentale portière noire surmontée d’un écusson au chiffre du président recouvrant les portes principales, piliers enveloppés de tissu noir, tentures noir et argent rehaussées de larges bandes semées d’étoiles d’argent à hauteur des ogives, bas-côtés drapés de deuil, deux trophées de drapeaux tricolores et écussons monogrammés F plantés dans le chœur.

La nef n’est pas en reste. En son centre, un catafalque orné d’attributs funèbres est surmonté d’une croix de satin blanc sur un drap noir. Pour parfaire l’effet grandiose, quatre candélabres et quarante-huit chandeliers d’argent l’entourent.

Personnalités de tous ordres dont membres du conseil de préfecture, membres du tribunal civil en robe, corps académique, professeurs du lycée en robes, membres du tribunal de commerce, état-major et officiers, chefs et personnel des administrations publiques, inspecteur du PLM, délégations du pensionnat Saint-Gilles, de l’institution du Sacré-Cœur, personne ne manque sauf…

Joseph Sorrel qui a prétexté avoir déjà assisté aux obsèques du président. Ses contemporains comprennent entre les lignes. Joseph Sorrel ne fréquente pas l’Eglise. La Libre-Pensée et la Franc-maçonnerie suffisent à sa nourriture spirituelle.

Dans ce domaine de l’incompatibilité idéologique et de la pratique religieuse, Félix Faure, le franc-maçon, fut quelque peu moqué dans la Croix de l’Allier pour être entré au Bon-Pasteur à son retour de Gennetines et avoir demandé qu’on prie pour lui.

 

Louis Delallier

 

*Les circonstances de son décès sont d’abord attribuées à de graves soucis causés notamment par la sérieuse crise diplomatique franco-anglaise de Fachoda au Soudan et l’affaire Dreyfus dont le J’accuse d’Émile Zola publié un an plutôt n’a pas fini de retenir. Mais en réalité, monsieur le président trouvait alors, auprès de Marguerite Steinheil, sa maîtresse un réconfort qui lui sera fatal.

**Le 31 mai 1895, en route pour Clermont-Ferrand, Félix Faure est reçu en grande pompe quelques heures à Moulins (voir mon article sur cette visite officielle).

Il revient plusieurs jours à la mi-septembre 1898 à l’occasion des grandes manœuvres dans la campagne près de Gennetines. Il s’y le vendredi 16, en landau, en compagnie du duc et de la duchesse de Connaught. Ayant vu le matin des jeunes filles massées dans la cour du Bon-pasteur, rue de Decize, pour le saluer, il décide de s’arrêter en rentrant vers 16 heures. Pendant une vingtaine de minutes, il s’informe sur leur santé, leurs occupations, puis remet à la Supérieure 150 francs qui seront affectés à un petit voyage en chemin de fer et à des friandises.

Le duc de Connaught (troisième fils de la reine Victoria) s’entretient avec une sœur anglaise qui l’avait connu alors qu’il avait 7 ans. Elle venait dans une maison amie des environs de Londres. Félix Faure prend congé des pensionnaires avec cette phrase : C’est moi qui suis votre père. Il faudra bien prier pour moi.

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