Elles sont annoncées dans la presse locale comme l’innovation postale du moment. Nous sommes le 1er août 1899. Le journaliste du Courrier de l’Allier en explique brièvement le fonctionnement et annonce le prix pour en bénéficier : 100 francs* de taxe par an pour envoyer quelques centaines de lettres à trois sous : la sauce serait plus chère que le lapin !
Ces boîtes aux lettres privées tirent leur nom de leur créateur, Léon Mougeot** et sont destinées à l’envoi du courrier. Elles sont conçues pour apporter de réels services surtout aux grandes administrations et sans frais pour l’Etat puisque leur installation est à la charge des demandeurs. Elles doivent être facilement accessibles au facteur et à proximité de la porte d’entrée. Les levées ont lieu aux mêmes heures que dans les bureaux de tabac et dans les boites installées sur la voie publique.
Comme elles ne sont pas censées être une source de bénéfice pour le Trésor public, la taxe diminuera au fur et à mesure que leur nombre augmentera. Elles présentent l’avantage de ne pas avoir à se rendre à la poste pour envoyer du courrier, gain de temps important pour les maisons de commerce et leurs garçons de courses par exemple puisque le facteur lui-même se charge du transport. « C’est la poste chez soi, c’est le progrès ». On espère ainsi que le public écrira davantage.
Fini les boîtes en bois moins sures et peu élégantes ! Les mougeottes sont fabriquées par le fondeur parisien Savana Delachanal. Elles sont en fonte d’abord peinte en vert puis en bleu à partir de 1905, surmontées d’un petit toit à trois pentes et décorées de de volutes, palmettes, feuilles d’acanthe. Trois petites ouvertures indiquent le numéro de la dernière levée effectuée, le jour concerné et le nombre de levées par jour grâce à trois roues émaillées qu’il suffit de tourner. Les mougeottes portent le mot POSTES moulé en relief et un écusson avec les initiales RF. Le décret prévoit qu’aucun modèle ne soit imposé, mais que la serrure et la clef du modèle adopté pour les boîtes ordinaires sont fournies par l’administration.
Un rabat sera ajouté en 1912 pour protéger les lettres de la pluie. Les mougeottes connaîtront assez de succès pour durer jusque dans les années 30 malgré la concurrence des simyanettes arborant un coq gaulois doré, lancées en 1908 par Julien Simyan (1850-1926), sous-secrétaire d’Etat chargé des Postes dans le cabinet Clémenceau. Le 20 juillet 1909, ce cabinet tombe entraînant dans sa chute Julien Simyan et ses boîtes aux lettres.
Louis Delallier
N. B. La couleur jaune n’arrive qu’en 1962 à la Poste.
*La redevance de 100 francs concerne Paris et les villes de plus de 80 000 habitants. A Moulins, elle est de 75 francs. Il faut compter une majoration de 10 francs lorsque la boîte est située à plus de 20 mètres de l’entrée principale de l’habitation et de 10 francs par étage, lorsque la boîte est placée ailleurs qu’au rez-de-chaussée. Le tout est payable d’avance par moitié au début de chaque semestre.
**Léon Mougeot (1857-1928), député de la Haute-Marne et sous-secrétaire d'Etat aux Postes et Télégraphes du 5 juillet 1898 au 7 juin 1902 dans le cabinet Waldeck-Rousseau, souhaite moderniser le système postal français et rénover le réseau des boîtes aux lettres.