Avant de se fixer à Moulins, il est fort probable qu’il ait séjourné un temps à Montluçon où il aurait fait passer cette annonce le 29 juillet 1888 :
Un Alsacien* expulsé récemment, professeur de piano, et en possession du brevet supérieur de langue allemande, s’est établi à Montluçon pour donner des leçons de piano et de langue allemande. S’adresser à M. Hagenbach, hôtel de l’Allier.
Camille Hagenbach est né le 26 décembre 1855 à Lauw dans le Bas-Rhin.
Le 12 janvier 1890, il participe comme pianiste au concert de la Société chorale au théâtre de Moulins. Il est alors directeur de l’Orphéon moulinois. En juillet, il est domicilié rue Barillot à Yzeure et enseigne la musique au petit séminaire d’Yzeure situé à Bellevue. Dans la presse locale, il informe les lecteurs que, titulaire du brevet supérieur d’instituteur alsacien, il peut donner à domicile, à Moulins ou aux environs, des leçons d’allemand et de piano durant les vacances.
Dans une nouvelle communication en décembre suivant, il fait part de son changement d’adresse (15 rue du 4-Septembre à Moulins) et de sa disponibilité pour des leçons de piano et de langue allemande chez lui ou à domicile. Il ajoute qu’il peut jouer seul au piano, ou accompagné d’autres instruments, dans les bals de soirée ainsi qu’il l’a déjà fait plusieurs fois à Moulins.
Le recensement de 1891 (15 rue du 4-Septembre) montre qu’il vit avec Catherine Kuentz, son épouse, et qu’ils sont entourés d’une nombreuse famille : Marie 8 ans, Camille, 7 ans, Pauline, 5 ans, Rosalie, 3 ans, Joseph, 2 ans et Caroline, 1 an. Tous sont déclarés allemands. Ce n’est que par décret présidentiel du 15 février 1892 qu’il est réintégré dans sa qualité de Français perdue à la suite de l’annexion de l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne en 1871.
Après un déménagement rue du Lycée dans le courant de l’année 1891, la famille Hagenbach s’installe 8 rue des Couteliers en 1893 comme le confirme une nouvelle annonce en novembre pour des leçons de grammaire et de conversation allemande, de piano et de violon, pour des accords de piano et l’animation de soirées et de bals à prix modérés.
A la fin du mois d’août 1895, un entrefilet relate la chute de Camille Hagenbach chez lui, 65 rue de Bourgogne (encore un changement d’habitation), ce qui lui vaut une fracture du tibia et un séjour à l’hôpital Saint-Joseph. Mais cela n’entravera pas ses activités professorales et artistiques qu’il exerce encore pendant plus de dix ans.
1901, cette fois, les Hagenbach (Camille, Catherine, Rosalie et Paul) vivent au 10 rue François-Péron avant d’occuper le 6 rue Jean-Bart à partir de 1903. Camille continue de donner des cours de piano, de violon, de solfège, d’harmonie et de langue allemande. Sa fille Rosalie, 14 ans, enseigne alors la mandoline.
Dans un avis d’avril 1907, on apprend que Camille est professeur de musique au lycée Banville tout en continuant ses leçons particulières. Mlle Rosalie Hagenbach enseigne la mandoline et le piano à domicile. La famille a réintégré le 10 rue François-Péron.
Lorsque se crée la nouvelle Chorale de Moulins en novembre 1909 présidée par M. Bussière, Camille en est chef de pupitre aux côtés de MM Acariès, Clément et Goujon.
Un autre de ses enfants, Paul intervient dans des concerts moulinois au moins à partir de février 1913. Il a 20 ans. Louis-Joseph, quant à lui, après quelques frasques, s’engage dans l’armée en 1907 pour cinq ans. Puis, il voyage afin d’exercer son métier de musicien : juin 1912, Oran et la Tunisie - août 1912, Oran - septembre 1912, Algérie et Tunisie - octobre 1913, Grenoble.
Quand la guerre survient, la deuxième pour les parents Hagenbach, leurs trois fils vivants (des jumeaux sont nés et morts en 1885), âgés respectivement de 30 ans (Camille), 26 ans (Louis Joseph) et 21 ans (Eugène Paul) sont incorporés, mais ils en reviendront tous les trois. Les deux aînés s’illustreront grâce à leur bravoure.
Louis-Joseph, cycliste d’état-major, est décoré de la Croix de guerre le 6 octobre 1915 avec citation à l’ordre du régiment (maintes preuves de dévouement, courage personnel, sentiment élevé du devoir, constamment en terrain découvert dans une zone particulièrement battue par l’artillerie ennemie). Il parvient aussi à organiser une matinée musicale au 11e bataillon du 2e zouaves en collaboration avec M. Lejeune, régisseur, ce même mois.
Camille reçoit la médaille militaire et la Croix de guerre avec palme (courageux, d’un moral élevé - grièvement blessé le 8 septembre 1914 et, proposé pour la réforme, demande à revenir sur le front - exemple de zèle et de dévouement remarquables).
Camille père décède le 8 avril 1919, rue François-Péron.
Camille fils, installé à Paris, aura les « honneurs » des journaux pour sa carrière de compositeur, interprète et chef d’orchestre. Il se produit notamment au cirque municipal de Troyes en automne 1927. En avril 1933, le journal La Volonté, le signale au théâtre Le Moulin-Bleu**, 42 rue de Douai Paris 9e. On y joue l’L’Auberge du nu, revue en deux actes et trente tableaux de Paul Murio et Neullat - musique nouvelle et arrangée de Camille Hagenbach.
Mais il ne se cantonnera pas à ce type de prestations. En effet, le Courrier de l’Allier du 17 septembre 1936 donne un compte rendu d’un entretien avec « notre compatriote, le compositeur et chef d’orchestre Hagenbach ». Après une tournée triomphale en Italie à Milan, de brillants contrats l’attendent encore à Paris. L’artiste qui aspire à la tranquillité envisage de se retirer à Moulins. Mais il n’en fera rien. Il décède le 12 août 1959 à Paris 18e.
Louis Delallier
*Les habitants des territoires annexés à l’issue de la guerre franco-prussienne de 1870/1871 pouvaient choisir de conserver la nationalité française à condition de quitter les lieux dans un délai très court (traité de Francfort du 10 mai 1871). Plus de 130 000 personnes partent pour s’installer en France, la plupart s’éloignant peu de cette nouvelle frontière.
**Créé en 1905 et spécialisé dans les spectacles galants voire coquins. Les danseuses sont appelées les Moulin-Bleu girls.