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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Une vermicellerie à Moulins

Publié le 15 Septembre 2024 par Louisdelallier in Commerce

Le Progrès de l'Allier du 25 septembre 1923

Le Progrès de l'Allier du 25 septembre 1923

Joseph et Hélène Lucas, commis pâtissier et employée de commerce, sont normands. Ils se sont mariés à Pont-l’Evêque dans le Calvados en novembre 1901 avant de s’installer peu après à Moulins au 15 rue Voltaire. L’aînée de leurs cinq enfants, Elise, y naît en septembre 1902. L’un des témoins est Jacques L’Orsa, pâtissier et voisin de la famille. Le recensement de 1906 indique que Joseph et Hélène sont employés à la pâtisserie L’Orsa aux côtés de dix autres personnes. En 1911, ils sont parents d’Elise, Yvonne et Robert (rejoints en 1912 par Renée, puis Pierre en 1915) et sont patrons pâtissiers dirigeant quatorze personnes.

C’est seulement en automne 1921 qu’apparaissent dans la presse locale des publicités vantant la Vermicellerie du Centre J. Lucas et Cie, usine moderne de pâtes alimentaires. Située au 19 rue Voltaire, rue du Creux-du-Verre et rue Traversine, elle est munie d’un outillage de machines perfectionnées d’un grand rendement et fabrique des produits de qualité irréprochable (vermicelle, macaronis, nouilles, pâtes d’Italie, coquillettes et pâtes laminées). Il est vivement recommandé d’exiger la marque déposée « Le Moulin », qui deviendra « le Moulin à vent ».

En septembre 1923, le Progrès de l’Allier lui consacre un long reportage dans ses colonnes. Comparée à une ruche bourdonnante d’où émane un son ouaté discret pour le voisinage, elle est dotée du meilleur matériel de l’époque. La semoule blanche, matière première principale, provient de blés bourbonnais commercialisés par une minoterie de Cusset. Elle est emmagasinée au rez-de-chaussée dans des conditions d’hygiène maximale avant d’être montée par un élévateur à godets dans la bluterie au 1er étage où elle est tamisée et épurée. Elle est ensuite déversée au rez-de-chaussée dans la fraseuse-mélangeuse. Elle y est additionnée d’eau à 50-70 degrés pour faciliter le mélange, le stériliser et constituer la pâte à laquelle sont parfois ajoutés des œufs. Quatre-vingts kilos peuvent être brassés en sept minutes. Cette pâte glisse par une goulotte jusqu’au pétrin constitué d’une cuve métallique avec deux rouleaux cannelés et un retourne-pâte. Elle y reste dix minutes et se présente alors sous forme d’un anneau étroit qu’on découpe en tronçons qui sont introduits dans une des presses à débit continu. Les moules fixés alternativement au bout de cette presse lui donnent sa forme définitive. La machine à étendre y est adjointe pour la fabrication des macaronis qui seront coupés par cinq couteaux.

Les pâtes aux œufs (dites de Bologne) sont exclues de la presse et bénéficient de mécanismes spéciaux qui les découpent en coquillettes, papillons, etc. Elles peuvent être enrichies de tomates, d’épinards ou de divers condiments pour leur donner du goût et des couleurs. Le travail automatisé permet d’éviter le contact avec la main de l’ouvrier et les pertes de temps propices à la fermentation, ennemi juré du pastier.

Ces quatre opérations terminées, les pâtes retournent au 1er étage par un transporteur à air mû par un puissant ventilateur jusqu’aux séchoirs mécaniques. Le séchage est considéré comme l’étape la plus importante par M. Raimbault, responsable, car la qualité du produit en dépend. Un séchage à l’air libre, bien que préférable, étant impossible, la vermicellerie a opté pour du matériel perfectionné de chez Ricciardi qui ne sèche pas trop la pâte pour ne pas la gercer, et ne l’humidifie pas trop, ce qui la ferait moisir. Selon le produit, il faut entre douze heures et trois jours dans cinq cellules dédiées.

Le pliage, jusqu’à 1 200 à 1 300 kilos de pâtes en huit heures de travail, est assuré par des plieuses Simplex. L’empaquetage dans des boîtes azur réalisé par une équipe féminine vêtue de blanc précède l’expédition aux maisons de commerce.

La Vermicellerie du Centre ne s’assure que de modestes bénéfices pour proposer des prix de vente inférieurs à ceux des grandes marques concurrentes pour une qualité égale.

En 1924, son activité se poursuit efficacement. Une médaille d’argent avec diplôme de médaille d’or lui est attribuée au concours agricole de Cusset. Mais malgré son succès, la dissolution de la société anonyme Vermicellerie du Centre est actée en mai 1925. La vente des locaux est ratifiée en septembre 1932.

Le recensement de 1926 ne mentionne plus la famille Lucas, mais le couple Achille et Elise Agogué, pâtissiers. Achille était, lui aussi, employé chez L’Orsa en 1906. 

 

Louis Delallier

Une vermicellerie à Moulins
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