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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Une malle et des pieds-nickelés

Publié le 24 Novembre 2024 par Louisdelallier in Faits divers

Gare de Moulins

Gare de Moulins

Lundi 21 novembre 1904, il est environ 20 heures. Paul Daley, voyageur de commerce, retire de la consigne son imposante malle et la fait porter dans la salle des pas-perdus avant de sortir jusqu’à la poste située place Marx-Dormoy à une dizaine de minutes à pied. A son retour, il compte faire enregistrer son bagage pour son voyage en train, mais il est introuvable. A peine revenu de sa mauvaise surprise, le chef de gare lui apprend qu’un employé des postes vient de découvrir une malle abandonnée à proximité de la gare dans le chemin qui longe la voie ferrée et aboutit au pont de Foulet. Le temps de s’y rendre, elle avait à nouveau disparu. Son contenu, un complet, deux pardessus et une grande quantité de vêtements divers, est estimé à 500 francs.

L’enquête ne traîne pas. Le commissaire de police Le Guellant ordonne des perquisitions dans les garnis de la ville. Elles trouvent leur terme, le mardi suivant, avec la découverte d’une malle d’apparence proche de celle de M. Daley, dans une chambre de l’auberge Achard, rue des Tanneries. Le patron des lieux tombe des nues. Ses trois clients sont arrivés la veille sans bagages et sont repartis le matin, élégamment vêtus, pour la foire de Cosne-d’Allier.

Des agents sont aussitôt postés aux gares de la Madeleine et Moulins-centre car on suppose qu’ils ont pris le tacot et reviendront par le même chemin.

Vers 16 heures, trois hommes sont signalés à la gare de la Madeleine et pris en filature immédiatement. Ils se rendent chez Achard où ils tombent aux mains de la maréchaussée. On arrête le premier. Le deuxième se sauve dans la cour puis à la cave et le troisième est rattrapé rue du Pont-Ginguet à quelque neuf-cents mètres de là. La conduite de ce dernier jusqu’au commissariat est très remarquée et suivie par une centaine de curieux qui s’interrogent sur l’arrestation d’un homme portant redingote et chapeau haut-de-forme !

L’interrogatoire commence par les dénégations du trio, puis continue par une demande d’avocat. Jules-Étienne M., 24 ans, Italien naturalisé, Jean Casimir S., 22 ans, de Cayres en Haute-Loire, et Antoine D., 19 ans de Thuret dans le Puy-de-Dôme, sont voyageur de commerce, marchand-colporteur et chaisier. Les deux plus jeunes concèdent avoir déjà été condamnés. Tous les trois racontent avoir été repérés à Cosne dans de nouvelles tentatives de vol et avoir pris la fuite. M. Daley, revenu à Moulins, est entendu par le Commissaire après avoir reconnu son bien.

Le procès se déroule à Moulins le vendredi 22 décembre sous la présidence de M. Chanson. Le Ministère public est représenté par M. Moinet, substitut du procureur de la République. Au vol de la malle s’ajoute, le même jour, celui d’un colis de chaussures en partance pour Saint-Pierre-le-Moûtier au détriment d’un marchand moulinois. La défense des prévenus est tirée par les cheveux. Jean Casimir S. affirme avoir trouvé la malle dans le chemin près de la voie ferrée et aurait demandé à D. de l’aider à la transporter à l’auberge où ils étaient descendus. Jules-Étienne M. assure que c’est S. qui lui a prêté la chemise qu’il portait. D. aurait seul récupéré le colis de chaussures avenue de la Gare où un voleur… l’aurait fait tomber juste avant.

D., à la tête de quatre condamnations, et S., à la tête d’une douzaine, sont peu crédibles malgré leurs efforts et ceux de maîtres Blanc et Vernaison. Ils écopent de dix-huit mois de prison chacun et M. de huit mois.

Que sont-ils devenus ?

Jules-Étienne M. se marie à Lyon (il est alors artiste lyrique) avec Marie-Clémence (elle-même artiste lyrique) en octobre 1906. A la naissance de leur fils Pierre en 1911 à Saint-Martin-du-Fresne dans l’Ain, ils sont marchands forains. Leur divorce est prononcé en avril 1925 par le tribunal civil de Bourg-en-Bresse. Antoine D. semble s’être rangé car il figure dans les recensements de Thuret avec Joséphine, son épouse, et leurs trois fils. Il est successivement maçon et cultivateur. Il décède à Thuret, son village natal, en mars 1979 à l’âge de 93 ans. Jean-Casimir S., après une autre condamnation pour vol par le tribunal de Privas en septembre 1906 à dix-huit mois de prison, n’échappe pas au bagne guyanais pour lequel il embarque sur La Loire le 17 juillet 1908. Il s’évade le 12 août 1909, est repris le 14, et s’évade à nouveau le 5 janvier 1912. Plus de trace de lui ensuite. Quant à Paul Daley, la victime, originaire de Rougemont dans le Doubs, marié à Marie Maldiney depuis octobre 1894, il fut trésorier de la Société de protection mutuelle des voyageurs de commerce. Il meurt en décembre 1942 à Saint-Maur-des-Fossés dans le Val-de-Marne à 74 ans.

 

Louis Delallier

Passage arrivant près du pont de Foulet

Passage arrivant près du pont de Foulet

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