A la fin du mois de mars 1896, les travaux de printemps du square comprennent le remplacement de la toiture en chaume de la cabane. Le 28 mai, deux éclosions agrandissent la famille cygne qui doit s’accomoder à nouveau des mousses et autres verdures aquatiques. Les riverains se plaignent du bruit insupportable du jet d’eau la nuit et pétitionnent pour obtenir son arrêt vers 19 heures.
La mi-mars 1897 voit réapparaître la brutalité du cygne qui, pressentant une ponte prochaine, s’en prend aux petits cygnes. On doit abriter les « enfants » dans une propriété aux Champins. L’éclosion a lieu le 29 avril et la femelle ne tarde pas à se promener triomphante sur l’eau, ses rejetons sur le dos. Le Courrier de l’Allier publie ce petit faire-part
Entre-temps, en conseil municipal, M. Friot, un élu, formule le vœu de la pose d’une grille autour du square pour protéger les plantations, l’éclairage et les cygnes.
Le dimanche 12 février 1899, une trentaine de bœufs en cours de conduite de la gare à l’abattoir de l’usine de conserves, située près du cours de Bercy, n’hésitent pas à s’ébattre dans l’herbe, les massifs et le bassin. Cette fois encore, on compatit avec ces pauvres cygnes dérangés dans leur quiétude.
Chaque printemps est l’occasion de s’informer de la réussite des couvaisons en cours, de se réjouir ou de s’attrister. En mai 1899, on constate, navré, la perte des cinq œufs couvés pourtant assidûment. Aucun n’a éclos. Mais en juin 1903, la cygne a mené à bien la couvaison des trois oeufs que le gardien du square a déposés dans son nid. On annonce que la mère et les trois enfants se portent bien !
Le conseil municipal de la mi-avril 1904 décide la vente de deux petits cygnes du bassin de la République à M. Boutal, chef d’escadron à Moulins, pour 50 francs.
Au début du mois de novembre 1905, une vieille et misérable femme se lave les jambes dans le bassin.
En 1906, le mois d’octobre voit l’arrivée de deux nouveaux cygnes à la place de feue madame et de son époux inconsolable qui a été transféré dans le bassin du jardin du musée en contrebas de la maison Mantin. Il sera vendu. Les nouveaux venus portent encore le plumage gris de la jeunesse. Pour éviter leur fuite, on leur a coupé le tendon de l’aile. Les pauvres ! … la bienvenue leur est souhaitée ainsi que longue vie et de nombreux enfants.
A la mi-août au jardin de la gare, un jeune garçon envoie énergiquement le diabolo avec lequel il joue si haut qu’il en lâche ses baguettes. Ces dernières retombent, avec leur fil, sur le dos du cygne qui n’en demandait pas tant et qui n’arrive pas à s’en défaire. L’enfant est en larmes. Des passants s’attroupent et réfléchissent à la meilleure solution. Le chien qu’on a envoyé dans l’eau pour tenter de ramener le cygne vers le bord en ressort à toute vitesse, effrayé par l’oiseau peu commode. Redoublement des pleurs du « fautif ». Enfin, un homme lance quelques morceaux de pain dans l’eau que le cygne attrape en s’approchant assez pour que l’on puisse retirer le jouet avec une canne. Tout est bien qui finit bien !
Le conseil municipal du samedi 28 septembre 1907 valide la vente du cygne esseulé dans la jardin du musée au comte de Dreuille pour 10 francs.
Avril 1909, cette fois, le cygne interpelle un journaliste « Hé ! m’sieur le journaliste ? Puisque vous vous entendez avec les politiciens, vous pouvez bien vous entretenir avec les bêtes. » L’animal se plaint de ne pas avoir trouvé de sujet sur son délicieux square dans le Courrier de l’Allier. Il suggère qu’un peu de publicité amènerait plus de promeneurs et, par conséquent, plus de pain pour lui et sa famille.
Début mai 1913, un épagneul de petite taille, sorti tôt et incognito de chez son maître, après avoir gambadé dans l’herbe du square, passe par-dessus les arceaux entourant le bassin pour boire. Malgré toutes les précautions prises, il glisse dans l’eau. Les cygnes lui foncent dessus aussitôt. Toto, c’est son nom, les distance, mais il est incapable de regagner la terre ferme seul. Craignant les coups de bec, il se dirige à toute vitesse vers la plateforme du jet d’eau pour y trouver refuge. Mais les choses vont de mal en pis pour lui qui est soulevé par la puissance du jet, heureusement coupé sans plus attendre par le jardinier. Et encore heureusement, un promeneur n’hésite pas à entrer à son tour dans l’eau pour en retirer le chien reconnaissant. Le sauveteur est récompensé par quelque monnaie par le propriétaire de Toto accouru entre temps.
Le quartier de la gare est la proie de vandales dans la nuit du 28 au 29 octobre 1917. Non seulement, ils tirent les sonnettes, renversent les arbustes en caisse, cassent des enseignes sous vitre, volent des marchandises au bureau de tabac Rameau, mais encore ils s’en prennent aux cygnes et coupent le cou de l’un des deux. Les coupables ne seront pas retrouvés.
Louis Delallier