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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Moulins et ses cygnes, une très longue histoire ! (Troisième et dernière partie)

Publié le 2 Février 2025 par Louisdelallier

Jardin de la gare - 20 juin 2015 (Photo Louis Delallier)

Jardin de la gare - 20 juin 2015 (Photo Louis Delallier)

Juillet 1921, Le Progrès de l’Allier exhorte le lecteur : « Pitié pour le cygne du jardin public ! ». Le cygne n’est pas heureux. Elle, car c’est une femelle, est même rongée par la neurasthénie. Elle pleure son compagnon et parfois s’égare dans les ruisseaux avoisinants. On parle de lancer une souscription pour un achat. Le Combat social du 20 septembre 1920 lui emboîte le pas car le problème n’est toujours pas réglé.

7 juin 1922, la cabane du cygne, toujours esseulé et mélancolique, vient de recevoir un chaume neuf. Il reste à redresser le toit qui a souffert pendant le transport et à arroser les pelouses.

En 1928, le conseil municipal du 11 mars étudie la proposition d’un amateur moulinois d’acheter les cygneaux grandis pour 210 francs. Et il y a urgence de les éloigner de leurs parents qui s’en prennent à eux même si les passants et l’agent de service s’amusent de ces chamailleries. En mai, trois naissances laissent présager de nouvelles complications relationnelles dans des temps proches. Dès juin, des acquéreurs se manifestent pour agrémenter les pièces d’eau de leurs parcs. Comme l’année précédente M. Col, industriel moulinois, est sur les rangs. La municipalité choisira le plus offrant.

Fin mai 1929, l’inquiétude remplace l’agréable attente de l’éclosion des trois œufs couvés. Un jour, la cygne reparaît sur l’eau, seule. Le jardinier en chef constate la disparition des œufs de la cabane qu’il retrouve émiettés au fond du bassin. On hésite entre le passage d’un vandale imbécile ou d’une casse par la future mère qui savait ses œufs stériles, avec une probabilité plus forte pour la deuxième solution.
 

Le Courrier de l'Allier du 20 juin 1932

Le Courrier de l'Allier du 20 juin 1932

Sans rapport avec le mauvais état de la cabane, un approvisionnement du bassin en poissons rouges est annoncé en septembre 1932. Ce don anonyme fait la joie des enfants qui leur jettent du pain et ne rend pas les cygnes jaloux ! D’autre part, un avis de la mairie signale que les jeunes cygnes sont à vendre.

Début juillet 1937, la cabane est enlevée pour réfection. Sa toiture surtout était usée et noircie. Le bassin sera nettoyé à fond. On espère que ce lieu de vie assaini donnera l’envie aux cygnes de fonder la famille espérée par les Moulinois.

En juillet 1940, la misère, la détresse causées par la guerre changent la donne. Dans l’après-midi du 18, une réfugiée lave son linge dans le bassin sous le regard des cygnes pas perturbés le moins du monde.

Le 10 février 1942, on s’attriste de la récente mort de la femelle du couple de cygnes. De faim ? De froid ? D’ennui ? De malveillance ? La réponse est inconnue. Cette « nécrologie d’un bon Moulinois » est l’occasion de rappeler qu’environ vingt ans auparavant le couple de cygnes volé avait été remplacé par ces cygnes provenant du château de Champvallier à Yzeure appartenant au commandant Boutal. Les habitants du square sont donc les derniers descendants de cette lignée yzeurienne.

En août, le cygne s’ennuie. On le dit originaire d’un lac suisse et on espère une offrande pour combler sa solitude.

Novembre 1944, il n’y a plus de cygnes dans le jardin de la gare. Le maire lance un appel aux personnes susceptibles de fournir un couple pour redonner aux lieux leur équilibre serein après le départ des occupants allemands.

Vœu au conseil municipal du 2 décembre 1946 en faveur de l’acquisition d’un couple de cygnes.

Fin mai 1947, le journal L’Espoir regrette que seuls les canards profitent du bassin depuis la disparition des cygnes pendant l’Occupation. Comme la population attend leur retour, la municipalité lance des appels dans les journaux, mais sans succès au début. L’Espoir invite donc les élus à se tourner vers les grands lacs et les mécènes.

Enfin, ils sont arrivés et le 14 juillet qui plus est ! les deux jeunes cygnes qu’on attendait tant ! La Lyre moulinoise et la Bourbonnaise accompagnent leur entrée chez eux. A 10h 15, madame Defaye, de Dompierre, la généreuse donatrice, est remerciée par M. Dubost, président du comité local de Libération dans le cadre des cérémonies officielles. Mais moins d’une semaine après, deux gardiens de la paix croient à un vol car l’endroit est désert. Les cygnes ont seulement été mis à l’abri. En effet, habitués à la grande tranquillité d’un étang où aucun passant ne les dérangeait, à la présence de leur mère et à la facilité de trouver de l’ombre, ils ont été bouleversés par leur nouvel environnement et ont cessé de s’alimenter. Ils vont donc s’ébattre pendant quelques semaines sur la pièce d’eau et dans le jardin en contrebas du musée. La grille d’entrée porte l’inscription « jardin provisoirement fermé pour permettre aux cygnes de s’acclimater ».

Pendant leur absence, et à deux reprises, des facétieux se sont aventurés sur le petit plan d’eau des cygnes allant pour l’un d’entre eux à passer la nuit dans la cabane après avoir tenté d’arrêter le jet d’eau. Le retour des oiseaux rassérénés a lieu au début du mois de septembre. En novembre, leur bassin est nettoyé à la suite de leur menace de faire une grève perlée…

Février 1948, la toiture de la cabane a été remplacée par des « paillassons jaune clair et l’intérieur rafraichi à la grande satisfaction des cygnes ». Mi-septembre, un nouvel acte de vandalisme est signalé : quatre bancs ont été jetés dans le bassin du square par des noctambules éméchés sans dommage pour les cygnes. Pour la fête de la Victoire du 11 novembre, tout est en ordre. Le monument aux morts est pavoisé, son allée est garnie de sable rouge, les parterres ont été renouvelés, les cygnes évoluent majestueusement et l’eau ruisselle dans le bassin.

En août 1951, la sérénité est palpable au jardin de la gare « rutilant de plantes multicolores ». on y observe les enfants qui jouent dans le sable ou nourrissent les cygnes de quelques croûtons de pain, cygnes éclatants de blancheur qui se rafraîchissent au jet d’eau de leur bassin.

 

Louis Delallier

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