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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Moulins et ses cygnes, une très longue histoire ! (Première partie)

Publié le 19 Janvier 2025 par Louisdelallier

Moulins et ses cygnes, une très longue histoire !                 (Première partie)
Juin 2015 (Photo Louis Delallier)

Juin 2015 (Photo Louis Delallier)

Leur arrivée au square du jardin de la gare* remonte à 1869. Le premier couple est un don d’Anacharsis Doumet** accepté par les élus moulinois le 28 mai, lesquels votent aussitôt les crédits nécessaires pour leur nourriture et la construction d’une cabane. Le bassin, son jet d’eau et l’arrosage du square sont alimentés par les sources non potables de Grillet situées sur la commune d’Yzeure. L’endroit devient ainsi un lieu plaisant pour se promener ou sortir les enfants. C’est cet ensemble verdoyant et fleuri que découvrent en premier les voyageurs descendant du train.

Le feuilleton journalistique relatif à la vie des cygnes moulinois commence dans les années 1885. La presse, en effet, leur témoigne un réel intérêt, parfois compassionnel, qui ne se démentira pas pendant plus d’un demi-siècle.

Un vendredi, le 17 avril 1885, on peut lire la relation d’un fait divers qui aurait pu mal se finir. Une fillette jette des cailloux dans l’eau tout en s’émerveillant sur la beauté des cygnes qui s’ébrouent quand elle bascule dans le bassin où elle est vite immergée. M. Albouy, un passant, parvient à la sortir sans délai saine et sauve.

Quand il gèle fort dans la nuit du 27 au 28 octobre 1887 (moins 7° à 5 heures), on a une pensée pour les cygnes qui ont dû se réfugier dans leur cabane.

En mars 1890, la femelle du couple va mal. Elle n’arrive à se tenir sur l’eau qu’au prix de grands efforts, passe trop de temps dans sa cabane et finit par ne plus se nourrir. Elle meurt le 13 des suites de fractures provoquées par un humain cruel qu’on ne retrouvera pas. Elle est remplacée à la fin du mois par une congénère de 3 ans achetée au Jardin d’Acclimatation à Paris pour 75 francs.

Malheureusement, l’entente avec le mâle s’avère difficile dès le début. Le service de la voirie installe une palissade dans le bassin pour que chacun vive de son côté. Il faut quand même veiller à ce que Monsieur ne la contourne pas car ses intentions sont vraiment belliqueuses. Le 25 avril, les hommes du Petit génie arrivent à temps pour l’empêcher de tuer Madame. Le jardinier du square lui adminsitre une correction et l’enferme dans la cabane où il remise ses outils. Deux jours après, on remplace la clôture de bois par une métallique en vain. On envisage de trouver une femelle plus avenante ! le 30, vers 14 heures, les deux cygnes menaçants montent sur l’herbe et sautent au milieu d’un rassemblement de curieux.  Après une course poursuite, le gardien du square parvient à les placer dans des paniers en osier en vue d’un renvoi à l’établissement zoologique du bois de Boulogne. Le 6 mai, un nouveau couple, harmonieux cette fois, venant du Jardin d’Acclimatation est accueilli à Moulins. Le 29, leur cabane est réinstallée après nettoyage et réfection de son toit de chaume. L’eau du bassin, couverte d’une boue verdâtre, est changée. On affirme que les oiseaux sont tout fiers de ce coup de propre.

Un an plus tard, la cygne subit deux jours d’agonie à cause d’un empoisonnement qui n’a rien de naturel. L’automne est presque arrivé et son compagnon ne semble toujours pas remis de cette disparition. Le gardien craint même un suicide pendant l’hiver si sa solitude n’est pas comblée.

Les choses se sont probablement arrangées car, quelques mois plus tard, il est question de cygnes qui se trémoussent au son des instruments de la Lyre moulinoise jouant dans le jardin. L’un des tableaux de la revue « Moulins-express » jouée fin 1892 a pour sujet la complainte des cygnes.

En janvier 1894, on déplore que des jeunes aient jeté dans le bassin un cadre-réclame qu’ils avaient arraché à la porte du café de la Rotonde au risque de tuer les cygnes.

Et même quand la félicité semble régner comme en avril 1895 quand le mâle constitue avec méthode un nid dans la cabane à l’aide des brins de paille tirés du toit, cela ne dure pas. En effet, il s’en prend aux trois œufs pondus et les réduit en omelette.

Un autre problème récurrent, souvent avancé dans les journaux, tient à la qualité de l’eau du bassin, croupie la plupart du temps. Le conseil municipal s’en préoccupe sérieusement. Des traaux commencent le 12 septembre 1895 sur la double canalisation qui alimente le bassin. Ils doivent permettre de combattre la formation des algues et des mousses qui infestent le bassin continuellement. A leur terme, le 24 septembre, le Petit génie nettoie le bassin à fond pour parfaire l’assainissement.

Mais, une autre perturbation s’abat un matin de début novembre sur la pièce d’eau. Une quarantaine de bœufs, tout juste descendus des wagons, sont en partance vers le cours de Bercy.  L’un d’entre eux se met à brouter la pelouse avant d’aviser le point d’eau si tentant. Il escalade la petite clôture pour s’y abreuver au grand dam des cygnes assure-t-on. Une partie du troupeau le rejoint. Quand les toucheurs de bestiaux arrivent à en faire sortir un, deux ou trois autres y entrent. La température de l’eau finit par rebuter les bêtes qui s’égayent dans le square. Il faudra une demi-heure au milieu des mugissements pour enfin les réunir tous.

Louis Delallier

*L’arrivée du chemin de fer à Moulins en mai 1853 nécessite des travaux de terrassement et un embellissement du secteur proche encore appelé Jardins de la Cave ou la Motte Babutte. Dès 1854, la municipalité décide l’implantation d’un square dont l’idée avait été lancée par Anacharsis Doûmet, conseiller municipal. La Société d’horticulture de l’Allier collabore à la réalsiation. En mai, un poste de jardinier-gardien du square est créé. Le bassin est aménagé au mois d’août suivant. Le projet en revient à monsieur Radout de La Fosse.  Trente bancs sont achetés en juillet 1872. La suggestion de monsieur Prud’homme, conseiller municipal, de l’élévation d’une fontaine lumineuse ne verra pas le jour.

**Anacharsis Doumet (1800-1880) est le fils d’Aglaé Adanson (1775-1852) créatrice en 1804, à Villeneuve-sur-Allier, du plus ancien arboretum privé de France, l’arboretum de Balaine. Son grand-père était Michel Adanson (1726-1806), botaniste. Anacharsis Doumet est le premier président de la société d’horticulture de l’Allier réunie pour la première fois le 9 juillet 1852. En 1860, il propose de créer des magasins généraux (entrepôts de marchandises en tout genre) à Moulins en relation avec la position de la gare au centre de la France, projet abandonné par lui-même. En 1877, il souhaite transférer son musée naturaliste de Sète à Moulins à condition qu’il soit installé dans le jardin appartenant au département derrière la préfecture. Projet également sans suite.

 

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