Annoncée comme écrivain public dans la presse, Yvonne Saulnier, 22 ans, prend ses fonctions à la gare de Moulins le samedi 20 mars 1943. Avec la machine à écrire mise à sa disposition, elle est chargée d’établir pour 1 franc ou 1,50 franc par document les déclarations d’expédition des colis postaux et autres petits colis ainsi que celles des marchandises en petite et grande vitesses*. Bien qu’indépendante du personnel de la SNCF, elle a été recrutée par M. Morand, chef de gare. Elle est installée dans la salle des pas-perdus sur une petite table près de la bascule. Présente de 9 heures à midi et de 14 heures à 18 heures, elle travaille sous sa propre responsabilité et a tout intérêt à bien vérifier les renseignements donnés par ses clients. Son travail et sa vigilance évitent aux cheminots de perdre du temps à déchiffrer toutes sortes d’écritures parfois approximatives. Les retards dus à des étiquettes mal rédigées devraient rapidement passer au rang des raretés. Il est à parier qu’Yvonne gagnera sa vie correctement car les envois déjà nombreux en temps ordinaire ont été augmentés de ceux destinés aux prisonniers.
Cette ancienne ouvrière de l’usine de chaussures de Moulins de la rue des Garceaux habite avec ses parents rue Rouget-de-L’Isle à Yzeure située à courte distance de la gare. En 1936, outre son père, on y compte six autres employés des chemins de fer.
La SNCF a déjà commencé à doter ses gares d’importance de ces dactylographes à leur compte comme au Mans où le service a été ouvert en août 1942.
À la gare d’Austerlitz près du guichet des expéditions, comme il se doit, c’est Mme Legrand, qui prend ses fonctions à peu près à la même date qu’Yvonne. La file d’attente qui se forme devant son bureau témoigne du succès de cette innovation. Succès tel que des services dépassant sa mission lui sont demandés. On cite le cas de ce cultivateur espérant lui faire rédiger un acte de vente pour un lopin de terre. Les autres clients l’ont écarté sans aménité. Madame Legrand bénéficie de petits articles dans plusieurs journaux régionaux avec photo à l’appui.
Louis Delallier
*Pour traiter prioritairement le trafic des colis, deux systèmes sont très tôt mis en place par les compagnies de chemin de fer. Le service de la petite vitesse concerne les objets, les produits, voire les animaux, qui ne peuvent être transportés que par les trains de marchandises. La grande vitesse, ou « messageries », achemine les colis et les bagages par les trains de voyageurs.