On sent comme un besoin de faire place nette, voire table rase chez les Miton à la lecture de leur annonce pleine page dans Le Progrès de l’Allier du 17 décembre 1935 et Le Courrier de l’Allier du 18 décembre 1935. Le décès d’Alexandre Miton au mois d’octobre précédent a entraîné un changement de direction et le besoin de transformations intérieures et extérieures. Alexandre Miton fils, 36 ans, et Roger Miton, 30 ans, succèdent donc à leur père et liquident les articles de leur magasin de vêtements à l’angle des rues des Couteliers et de Wagram*. La longue liste-catalogue parue dans la presse offre à la clientèle le temps de repérer dans le stock soldé les affaires les plus intéressantes : pardessus défraîchis, cols dépareillés, costumes vendus pas plus cher que le prix du pantalon seul, etc. Il s’agit de vider les rayons et de repartir sur une situation nouvelle dans un magasin refait. Après deux jours de fermeture, les 17 et 18 décembre, pour préparation et exposition des lots, la vente à « vil prix » dure du 19 décembre au 15 janvier.
Pas de bluff, mais une obligation et une vérité qui vous permettra de vous habiller à des prix d’avant-guerre.
Quelques jours plus tôt, les frères Miton auront eu à démentir, par presse interposée, la rumeur de fermeture de la manufacture de vêtements dont ils ont hérité.
L’affaire familiale a été créée par Alexandre père, né à Moulins en novembre 1872. Il exerce comme cafetier-limonadier 18 rue de Paris avant de vendre son fonds de commerce aux époux Guérin-Leriche en février 1904. Installé aux Bataillots à Yzeure avec sa famille, il reste dans le commerce en qualité de représentant pour diverses maisons. Il entre ensuite A la Ville de Lyon, chez Vernois rue d’Allier, spécialisé dans l’habillement. En 1912, avec Alfred Auboire et Marcel Sarrazin, il se lance dans la création d’une société destinée à exploiter un commerce de vêtements confectionnés dénommée Au Coin de rue, Alexandre Miton et Cie, 9 rue Wagram et 1 rue des Couteliers, ceci pour vingt ans à compter du 1er octobre. Chacun aura en charge les achats et les ventes, tiendra la caisse, les livres et registres. M. Sarrazin sera plus spécialement chargé de la comptabilité. En février 1914, ce dernier cède ses droits à ses deux associés.
Une fois démobilisé, en mars 1919, Alexandre Miton peut reprendre les rênes de la maison Miton et Cie. Au mois d’août, Alfred Auboire lui vend tous les droits qu’il possède dans leur fonds de commerce de confection.
Seul maître à bord, Alexandre II affiche son professionnalisme et la qualité supérieure des vêtements classiques ou à la dernière mode, de coupe élégante, sortant de ses ateliers. Sa fille, Alice, y travaille comme culottière. Dans les années 34/35, on propose au magasin, ouvert le dimanche, la vente au détail de draperies et de doublage au mètre, un rayon pour garçonnets et babies, un rayon spécial pour gendarmes, gardes et militaires, et la vente à domicile grâce aux services automobiles de la société.
La concurrence en matière de vêtements est alors sérieuse à Moulins avec Bussière, Lemesle, Nageleisen, Leturcq, les Nouvelles Galeries et les tailleurs Boja ou Crémieux entre autres professionnels bien implantés et pas avares de publicité.
Les frères resteront ensemble aux commandes du Coin de rue jusqu’au décès subit de Roger le 5 mars 1953 chez lui à Yzeure. A ses obsèques, outre la famille et les amis, on note la présence de très nombreux commerçants et industriels moulinois et yzeuriens, d’une délégation d’anciens combattants de l’AGMG. Roger faisait aussi partie de l’Amicale des Résistants actifs de l’Allier. Alexandre lui survit jusqu’en mars 1971.
Louis Delallier
*Aujourd'hui, une pizzeria occupe les lieux. La statuette est toujours en place.