Les Brasseries de la Meuse ont été fondées en 1890 à Schiltigheim dans le Bas-Rhin. Pour se développer, elles acquièrent des parts dans des brasseries à Sèvres, Moulins, Beaucaire, Nantes, Rennes etc. Elles fusionnent en 1966 avec le groupe des Grandes Brasseries de Champigneulles pour former la Société européenne de brasserie qui intègre ensuite le groupe Kronenbourg qui, lui-même, fusionne en 1987 avec l’Européenne de brasseries.
A Moulins, la Brasserie de la Meuse est installée sur la levée de la charbonnière, le long de la route de Montilly, tout près du pont Régemortes à la Madeleine. elle est dirigée par monsieur Geyer.
Le 18 juin 1940, les bombardements faisant suite à l’arrivée des troupes allemandes à Moulins endommagent les locaux de la Brasserie. Mais, l’activité de l’usine reprend dès le 28 juin.
En octobre 1941, des agrandissements et une modernisation sont à l’ordre du jour. En effet, la bière a pris une grande importance dans le domaine du ravitaillement depuis que le vin est devenu rare. L’hiver les demis, sains et nutritifs, bien tempérés à 10 ou 11° se dégustent comme des crus et réconfortent mieux que n’importe quelle boisson affirme l’adjoint au directeur de la Brasserie, monsieur Pappas.
La production moulinoise est passée de 50 000 à 100 000 hectolitres ce qui a conduit à un épuisement des stocks. De plus, les responsables de l’entreprise ne savent pas quelle quantité d’orge sera débloquée. Ils ont donc décidé d’organiser l’usine pour des temps plus stables. Le malt va bientôt manquer, mais ils installent de nouveaux silos pour l’emmagasiner. Les matières premières vont faire défaut pour brasser et pourtant ils envisagent d’augmenter leurs possibilités de brassage. Cette apparente contradiction résulte de leur confiance en l’avenir malgré le manque de charbon, de verre, de capsules et de fûts.
Autrefois, la brasserie de Moulins employait 75 à 100 ouvriers. En 1941, 150 à 200 personnes travaillent au brassage et à la mise en bouteilles. Pour leur donner de meilleures conditions de vie et de travail, une société libre de secours mutuel vient d’être créée. Elle est subventionnée par l’usine et elle est gérée par les ouvriers. Une caisse de chômage est prévue. La réalisation de vestiaires modernes et de douches pour le personnel est en cours.
La première tranche de travaux a commencé en novembre 1940. Elle doit s’achever avant la fin de l’année 1941. Elle comprend :
- Douze silos à malt en ciment de trois mètres de large et dix de haut. ils conserveront mieux le malt très sec que les silos de bois qu’ils remplacent. Ils seront terminés en novembre et pourront recevoir environ 5 000 quintaux de malt soit le chargement de cinquante wagons.
- La construction aux deuxième et troisième étages de caves de garde de la bière isolées par des parois de liège. Elles permettront une meilleure conservation de la bière et, en hiver, l’utilisation du froid naturel pour décharger d’autant les machines à fabriquer de la glace.
- La construction d’une infirmerie pour le personnel avec cabinet pour le médecin, d’une salle de douches tapissée de faïence, d’un vestiaire et d’un réfectoire.
La Brasserie a loué deux anciens manèges de cavalerie très abîmés par les bombardements de juin 1940. Ils seront remis à neuf et serviront à abriter les camions, les futailles et autres matériels de la Brasserie.
Une deuxième tranche de travaux est prévue en 1942 pour agrandir la salle de brassage afin de doubler la production, construire de nouveaux bureaux avec un étage, aménager la salle des machines. Un nouveau système de générateurs à glace avec compresseurs modernes capable de produire 2 500 frigories par cheval-heure au lieu des 1 800 actuels sera installé. Un poste de transformation électrique viendra compléter l’équipement.
L’ensemble des travaux représente une dépense de trois à quatre millions de francs.
Une trentaine d’ouvriers de l’entreprise Oster et ses fils sont occupés aux constructions en cours sous la direction experte d’un contremaître qui constate des difficultés d’approvisionnement en ciment, tuiles et en fer. Et, le manque de wagons, de carburant pour les transports et de main-d’œuvre spécialisée ralentit la progression rapide des travaux.
Pendant ce temps, la fabrication se poursuit. Les malts utilisés proviennent de la malterie de Sept-Fons près de Dompierre-sur-Besbre, filiale de la Brasserie et sont répartis suivant leur provenance : Allier, Auvergne, Haute-Loire, Gâtinais etc.
Le malt bien sec est porté au moulin du troisième étage par un élévateur pour y être moulu. Deux chaudrons de cuisson d’une contenance respective de 205 hectolitres servent à la « salade ». C’est un mélange d’eau et de farine de malt chauffé à différentes températures jusqu’au degré où l’amidon du malt se transforme en sucre et où l’on obtient le moût de bière fermentable par la levure. A ce moût est ajouté le houblon qui l’aromatise. Il est porté à ébullition pendant deux heures et demie pour le concentrer et coaguler les matières azotées et ainsi assurer la stabilité de la bière.
La fermentation secondaire se fait dans des foudres en bois ou en béton armé ou dans des tanks généralement cylindriques en acier ou en aluminium. Ceux de Moulins peuvent contenir 15 000 hectolitres de bière.
Quatre groupes mécaniques tournent pour la mise en bouteilles : deux de 3 500 bouteilles heure et deux de 1 500. Les bouteilles sont mirées après leur lavage et après leur remplissage par des ouvrières. Viennent ensuite le capsulage et la pasteurisation. L’étiquetage se fait juste après ces opérations. Une nouvelle opération de mirage a lieu. Des chariots de dix caisses conduisent alors les bouteilles vers les camions chargés des livraisons.
La Brasserie fabrique également de la limonade (environ 12 000 hectolitres par an) et du Vivor (composé de jus de fruits, de sucre et d’eau gazeuse). On utilise des ananas, des groseilles, raisins, cassis, raisins et pommes. Les fraises viendront compléter le choix de parfums.
En 1981, la concurrence a raison de la brasserie moulinoise qui cesse son activité. En 2013, aucun des bâtiments ne subsiste.Leur démolition complète remonte au mois de juin 2003.Sur une partie de leur emplacement se trouve un espace vert, le magasin Intermarché et son parking.
Jeanne Schneider fille du brasseur moulinois, aveugle de naissance, a fondé en 1899 l’institution des Charmettes à Yzeure qu’elle a dirigée jusqu’en 1920, année où elle crée une association qui se charge de la gestion et qu'elle préside pour gérer son établissement. Elle reste propriétaire des lieux et active jusqu’à sa mort en 1955. Cet institut pour jeunes aveugles fonctionne encore en 2016, au même endroit.
Louis Delallier