Louis Suchal, appelé aussi Chuchal, est un homme tout à fait exceptionnel.
Il est né à Saint-Pourçain-sur-Sioule où il exerce la profession de cordonnier. Il sert également dans l’armée du Rhin.
Sa vue ayant baissé, il renonce à son métier et s’installe à Moulins où il tourne longtemps la roue d’un cordier qui avait installé son chantier sur la levée au bord de l’Allier. Il est coiffé du chapeau à cornes des soldats de la République et vêtu d’une vielle redingote.
Mais, son deuxième métier ne le nourrit pas assez. En effet, Il est capable de manger du matin au soir sans s’arrêter. Environ huit livres de pain lui sont nécessaires chaque jour. Il peut engloutir un jambon en quelques minutes. Les chiens, les chats, les rats, les petits cochons qu’on lui apporte ne le rebutent pas, il les mange crus sur le champ et sans sel, tout comme les volailles mortes. Malgré ce régime, il reste très maigre.
Il a toujours faim, mais aucun vol de nourriture ne lui est reproché.
Il parcourt la ville en suivant les restaurants et attend à la sortie de l’évier l’arrivée d’une carotte ou d’un morceau de rave. Dans les ruisseaux de la ville, il ramasse les têtes de canards.
On raconte que rue de Bourgogne, rencontrant une paysanne qui se rend au marché avec son âne pour y vendre deux paniers de prunes, Chuchal lui dit qu’il voudrait manger de ses prunes. La femme lui demande deux sous pour prendre ce qu’il veut. Et, Chuchal avale le contenu des deux paniers. On imagine la réaction de la vendeuse qui ne s’attendait pas à ça et celle des passants.
Louis Suchal est mort à 78 ans, le 6 août 1851, à 7 heures du matin, chez lui, rue Manchet (actuelle rue de Bourgogne). Le malheureux homme ne pouvait plus rien avaler depuis vingt jours.
Dans les quartiers populaires et dans les environs de Moulins, Chuchal est demeuré longtemps dans le langage comme synonyme de gros mangeur et de gourmand.
Louis Delallier