En mars 1899, Eugène Moreau, marchand de café aux halles, gâte ses clients en distribuant des tablettes de chocolat, paquets de chicorée et de superbes cuillères à café en beau métal pour tout acheteur de ses cafés supérieurs garantis purs et sans mouillage. Il annonce également vendre de bons fromages de Brie et de Coulommiers à des prix défiant toute concurrence.
A partir du le 26 décembre 1899, les magasins de vente et la brûlerie par force motrice sont transférés 17 rue de Pont à Moulins. Il est également possible de se procurer les cafés Moreau chaque mardi, vendredi et dimanche au marché couvert. Les entrepôts se trouvent au Havre. Eugène Moreau annonce une dégustation gratuite, sans confort, ni luxe.
Propriétaire et commerçant, il travaille sans frais de représentants ni de commissions et brûle lui-même ses cafés avec la machine qu’il a inventée. Il est le créateur de cette méthode de vente qui lui a valu les félicitations d’un président de la République (Félix Faure ou Emile Loubet), d’un ministre du commerce ainsi que de nombreux hommes célèbres et de grands économistes. Il l’a mise au point le 28 décembre 1897 alors qu’il était à l’étranger.
Eugène Moreau écarte tout principe capitaliste et ne pense qu’aux prix bas. Il estime que lui, petit marchand de café, a fait économiser en trois ans 160 millions de francs à 8 millions de consommateurs malgré la coalition formée contre lui de Dunkerque à Besançon, de Charleville à Moulins et de Brest à Périgueux (ce sont ses termes). Dans plus de deux cents villes, il refuse l’exploitation de la popularité que son petit banc de café au marché lui a assurée et tient bon contre vents et marées. Sa force réside dans sa volonté d’imposer la baisse des prix du café dans une ville différente à chaque fois.
Arrivé à Moulins, fatigué par ses voyages et une mauvaise alimentation, il choisit de s’y installer en restant en relation avec ceux qui continuent son œuvre en France dans au moins trente départements.
A partir du vendredi 27 avril 1900, Eugène Moreau ouvre tous les jours son épicerie du marché couvert. Produits de choix et de première fraîcheur, assortiment complet de produits seront présents dans son emplacement exigu. Un acompte de 10% sera consenti à tout acheteur d’au moins 20 francs de marchandise. Chaque paquet portera une étiquette qui pourra être conservée pour une remise supplémentaire en fin d’année.
Pour les fêtes de fin d’année, les vendredis, dimanches et mardis, M. Moreau fait des cadeaux à tout acheteur d’une demi-livre de café : trois calendriers « mignons », des images et un petit livre traitant du café. En février 1901, les cadeaux sont de retour. Cette fois, ce sont des fleurs, des mandarines achetées par ses soins dans le sud de la France. Il mettra en vente des pommes de terre nouvelles à six sous la livre.
Mais, en avril, il révèle que ses fournisseurs refusent de lui livrer la marchandise car il fait concurrence aux autres vendeurs qui s’approvisionnent chez eux. Jusqu’au au 15 mai, il liquidera à n’importe quel prix les sardines, bonbons, moutarde, biscuits Germain de Lyon, 2 000 kg de prunes, du saucisson de Lyon, du raisin Malaga pour se recentrer sur la vente de café, thé, chicorée et chocolat.
Fin octobre 1902 depuis Valenciennes, Eugène Moreau répond aux clients qui ont insisté pour qu’il conserve, malgré son départ au service militaire, sa vente à prix réduits de café à Moulins. Il explique qu’il a refusé plusieurs offres d’achat pour leur donner satisfaction. Après avoir fermé ses succursales ailleurs dans le pays, il s’est garanti la livraison de bons cafés pour trois ans, a perfectionné son brûlage et laissé la gérance de son magasin moulinois à M. Mallet. Il revient sur le très bon accueil qui lui a été réservé par les Bourbonnais à son arrivée le 4 novembre 1898.
Il se manifeste encore dans la presse dans le courant de l’automne 1912 pour signaler la reprise de son commerce par M. et Mme Bouchasson qui ont succédé aux très regrettés M. et Mme Lamoureux. Les prix des cafés sont maintenus en-dessous de ceux de ses confrères. De bons gâteaux et biscuits ainsi que des Camemberts de qualité supérieure sont disponibles en rayon.
Il est à noter qu’il existe encore un torréfacteur dans cette petite rue de Moulins.
Louis Delallier