Le « village nègre » à Moulins (aujourd’hui quartier des Mariniers) a abrité un habitant dynamique et passionné.
Marius Carry est né à Saint-Chamond et a vécu à Saint-Etienne où il faisait partie groupe artistique Montaud dans le même quartier que le grand théâtre Massenet. Après un bac ès-sciences, il passe trois ans au conservatoire de la ville dont il sort avec un premier prix. Mais, pour soutenir sa mère veuve il doit faire un choix difficile et abandonner la carrière artistique promise.
Il trouve un poste de chef de laboratoire à la Manufacture française d’armes et de cycles de Saint-Etienne. Malheureusement, la nocivité des produits manipulés le contraint à arrêter ce travail. Entre temps, il aura épousé sa secrétaire, originaire de Dompierre dans l’Allier.
La première guerre mondiale déclarée, il se retrouve en Albanie avec le 6e régiment d’infanterie coloniale. Le naturel reprend le dessus et il distraie les autres soldats au cours de séances récréatives. Des officiers dont des généraux lui adressent leurs félicitations pour son talent, mais cela ne suffit pas pour le faire entrer au « Théâtre aux armées » car il était jugé indispensable là où il était.
Au retour de la guerre, il s’installe à Dompierre avec sa femme où le travail ne court pas les rues. C’est pourquoi il tente sa chance aux Brasseries de la Meuse à Moulins où il est embauché au service des canettes. Il loue alors un petit logement de l’autre côté de l’Allier, rue des Pêcheurs, au premier étage.
En 1945, la CGT lance un appel aux volontaires désireux d’assurer la réussite de la fête de son cinquantenaire. Marius Carry n’hésite pas à proposer ses services. Le voilà lancé à Moulins. Peu après, il fonde sa propre association « L’Eglantine » qui comprend des sections théâtrale, lyrique, chorégraphique et enfantine pour les filles de 8 à 12 ans. Il obtient très rapidement un succès local avec les pièces qu’il met en scène et dont il interprète l’un des rôles comme :
Asile de nuit de Marc Moret - Le peintre exigeant de Tristan Bernard - Rosalie de Marc Moret - Blanchette d’Eugène Brieux - Choc en retour de Georges Menuau.
En juin 1946, il co-organise une grande soirée au théâtre à l’occasion du congrès de l’ARAC (Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre de l’Allier) au cours de laquelle il est applaudi dans « Manu militari » de Paul Gavault et « M. Danton, professeur d’énergie » de Cami. La section chorégraphique de son groupe "L’Eglantine" se produit également ce soir-là.
En septembre suivant, sa troupe et lui vont divertir les pensionnaires du sanatorium François-Mercier à Tronget avec un spectacle de 3 heures.
On le retrouve en février 1947 au bal du syndicat du livre à l’Université populaire en sa qualité de comique. La même année, en avril, l’un de ses élèves, Robert Reyne, est candidat du Carrefour des vedettes organisé au théâtre de Moulins par l’agence théâtrale Valéry sous le patronage du journal moulinois L’Espoir. Son interprétation de « Nous nous plûmes » ne vaudra pas au jeune homme d’aller en finale à Roanne.
Marius Carry se dépense aussi sans compter pour son « Village nègre » dont il assure la préparation et le bon déroulement des fêtes annuelles avec le comité de quartier. Ces réjouissances lui donnent l‘occasion de composer des chansons tout exprès.
D’où son surnom de Bach moulinois en référence au chanteur comique troupier Bach.
Voir mon article « Qu’est-il arrivé à Bach en gare de Moulins au printemps 1942 ? ».
Louis Delallier