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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Un clocher, des cloches et des chutes

Publié le 23 Février 2019 par Louisdelallier

Photo Louis Delallier

Photo Louis Delallier

Elles se nomment Marie-Marguerite-Alexandra, Louise-Clémence-Joséphine, Anne-Marie-Louise-Françoise, Hélène-Michelle, Gabrielle-Anne. Mais elles sont huit « petites » nouvelles en tout à rejoindre l’ancienne cloche (1 600 kg) qui sert de base au carillon tout neuf. Les quatre autres n’ont pas de prénom. Toutes résonnent avec gravité dans toute la ville depuis le mois de mai 1902 du haut du clocher de l’église Saint-Pierre1 à Moulins.

Ce clocher, reconstruit en 1900 et 1901 remplace celui de 1809 jugé « fort vulgaire ». Sa bénédiction par Monseigneur Dubourg, évêque de Moulins a lieu le 24 novembre 1901. Son architecte, le Moulinois Michel Mitton, avait prévu une façade et un portail qui ne seront pas réalisés.

S’il fallait un clocher esthétique, il fallait naturellement y inclure des cloches. La fonderie Farnier2 de Robécourt dans les Vosges est sélectionnée pour ce travail de haute volée. le dimanche 25 mai 1902 est le grand  jour de la bénédiction solennelle par Monseigneur Dubourg  des 1 270, 855, 706, 471, 50, 35, 26 et 23 kilos de bronze (pour la petite dernière). Le révérend père Fages, dominicain, prononce le discours d’usage avant l’exécution d’une cantate dont on doit les paroles et la musique à l’abbé Radureau.

Ce clocher aura été le théâtre d’au moins deux accidents spectaculaires.

Le lundi 12 novembre 1900, Eugène Labonde, manœuvre de 33 ans, est en train de monter des matériaux avec un treuil lorsqu’il lâche la manivelle dont le retour le touche immédiatement en pleine tête. S’ensuit une chute dans le vide à plus de 30 mètres du sol. Un premier obstacle ralentit le malheureux qui s’écrase un peu plus bas sur le toit d’une maison dont la forte pente ne lui permet pas de se retenir. Il se retrouve sur la toiture du presbytère qui cède en partie sous son poids et termine enseveli sous des tuiles et autres débris.

Le curé de la paroisse, Gabriel Bideau, et le pharmacien Péhu prodiguent les premiers soins à un Eugène Labonde, certes choqué et le visage ensanglanté, mais bien vivant. Le docteur Dujon, arrivé sur les lieux, diagnostique une fracture à l’épaule et des contusions en nombre, sans plus… Le blessé est transporté chez lui, rue des Garceaux, en fiacre où il se remettra lentement. Eugène a déjà derrière lui un parcours original puisqu’il s’est expatrié, avec sa famille, de 1895 à 1898, en Algérie où il exerçait la profession d’agent de police.  

Presque 30 ans plus tard, l’après-midi du mercredi 15 octobre 1930, le chanoine Larras monte par l’escalier qui mène à la tribune, puis par une échelle de fer pour régler la sonnerie des cloches. Tout à son travail, il recule un peu et tombe tout droit dans le trou où arrive l’échelle de fer. Lui aussi rebondit, mais sur la balustrade du balcon de la tribune avant de rejoindre le sol en plancher six mètres plus bas. Après plus d’une heure d’appels au secours, il parvient à ramper jusqu’à une porte donnant sur la rue d’où il est entendu par des couvreurs travaillant en haut d’une maison voisine. Il est très vite transporté à la cure où le docteur Monceau qui l’examine ne détecte aucune fracture. Lui aussi s’en sort bien.

 

Louis Delallier

 

1 - L’église Saint-Pierre de Moulins est d’abord l’église du couvent des Carmes fondé en 1352 du temps du duc Pierre Ier de Bourbon avec son aide financière. Situé en dehors de l’enceinte, il est pillé en 1384 par les Anglais. Une nouvelle fois bien malmené en 1411 par les Bourguignons qui brûlent sa chapelle primitive, il faut bien le reste du siècle pour le reconstruire et plus encore. En 1562, les Huguenots, passant par-là, assiègent la ville et se servent du couvent comme d’une écurie. Heureusement les temps changent, et la construction d’une nouvelle chapelle est possible au cours du XVIIe siècle. Les temps changent encore et ramènent le trouble à Moulins. Les révolutionnaires expulsent les moines et, au passage, détruisent l’église paroissiale Saint-Pierre des Ménestraux (sur la place Marx Dormoy actuelle). Il y a donc une place à prendre dans la paroisse. C’est ainsi que l’église que nous connaissons devient église paroissiale sous le patronage de Saint-Pierre (classée monument historique le 18 mars 1986). Le couvent des Carmes est inscrit à l’inventaire des Monuments historiques le 27 octobre 1971.

2 - La première coulée de Ferdinand Farnier (1849-1924) a lieu le 4 février 1874 et produit cinq cloches. Entre 1873 et 1914, sortent des fours de Robécourt 2.503 cloches, soit 872.952 kg de bronze. Certaines partent aux États-Unis, au Canada, en Afrique du Nord, en Thaïlande, en Chine, au Japon, en Nouvelle-Calédonie et Nouvelle-Zélande. Parmi les plus importantes, on peut citer Belfort (4.425 kg) en 1903, Saint-Dié (3.680 kg) en 1902, Fort de France (3.230 kg) en 1894, Mattaincourt (3.151 kg) en 1882. Ferdinand Farnier est l’auteur d’une Notice historique sur les cloches suivies des prières et cérémonies pour la bénédiction des cloches d’après le Pontifical romain avec le chant noté et la traduction complète en regard publiée en 1882.

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