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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Eté 1897, idylle au pont Régemortes

Publié le 1 Juillet 2019 par Louisdelallier in Portraits

Photo Louis Delallier

Photo Louis Delallier

Le radier du pont Régemortes a besoin d’une consolidation. L’entreprise Baudron est chargée des travaux sous la direction de l’architecte-voyer de la ville de Moulins, Jean-Louis Gannat, et sous la surveillance de monsieur Labussière. Le chantier commence début juin 1897 et s’achève le 12 décembre suivant juste avant une nouvelle crue de l’Allier. Ce sont 650 blocs qu’il convient de placer en-dessous du radier pour lui rendre sa stabilité. Deux-cents autres protégeront une autre partie de la base du pont.

Des incidents, heureusement sans conséquences graves, se succèdent pendant ces six mois. Des voix journalistiques s’élèvent contre le traitement réservé aux terrassiers. Ils doivent travailler 7 jours sur 7, d’où de la fatigue et de l’inattention auxquelles s’ajoute l’insuffisance de certains matériels.

Le vendredi 27 août, le chariot mobile sur lequel trône la grue qui doit soulever les blocs de béton bascule dans l’eau. Il faudra d’invraisemblables efforts aux ouvriers pour la sortir de là. De plus, il leur faut recreuser une partie du lit de la rivière qui s’est réensablée. On parle de vingt jours perdus.

Le vendredi 3 septembre, le scaphandrier qui opère dans la rivière constate que l’eau entre dans sa tenue. Il tire la sonnette d’alarme qui ne fonctionne pas. Fort heureusement, ses collègues remarquent ses signes de détresse et le tirent à temps de ce mauvais pas. 

Une crue, quelques jours plus tard, ralentit la progression du travail déjà rendu peu efficace par l’utilisation, entre autres, d’engins de dragage trop simples au lieu d’une dragueuse à vapeur plus rapide et moins pénible à manier.

Les embûches ne sont pas que matérielles. Un après-midi, deux repris de justice, engagés sur le chantier, pour leurs « aptitudes amphibiennes », car braconniers d’eau douce invétérés, décident d’empêcher leurs collègues de travailler. Très éméchés, ils leur lancent des pierres du haut du pont. Comme ils n’obtiennent pas le résultat escompté, ils descendent près de la rivière où ils démolissent à la pioche la baraque de chantier. Ils sont arrêtés peu après.

Enfin, le samedi 23 octobre, le même scaphandrier est pris d’une syncope à cause d’une arrivée d’air trop importante dans son casque. Cette fois encore, il s’en sort sans dommages.

Mais la vie moulinoise ne lui a pas apporté que des désagréments ! En effet, Pierre Belaigues, 29 ans, terrassier de son état et scaphandrier à ses heures, a rencontré Eugénie Gruardet, 22 ans, domestique qui habite rue du Chambon à la Madeleine. Il est fort probable que la jeune femme, comme beaucoup de Moulinois, était curieuse de ce qui se passait au pont. Peut-être le traversait-elle tous les jours pour aller travailler. Peut-être admirait-elle le courage de cet homme au métier dangereux et rare. Elle épousera Pierre le mercredi 1er décembre à Moulins.

La fiche militaire de Pierre Belaigues indique qu’il est décédé le 14 octobre 1909 dans son village natal du Cantal, Saint-Christophe-les-Gorges. Elle indique aussi son adresse à Moulins en 1987 : rue du Chambon comme Eugénie. La rencontre était donc plus banale qu’imaginée !

Louis Delallier

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M
jolie photo !
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L
Merci !