L’affaire du vol des dépêches a mis tout Moulins en émoi. La police est sur les dents et repère des suspects partout depuis que Philippe Papougnot, le courrier des postes en titre délesté des sacs de dépêches qu’il transportait, a été innocenté et néanmoins sanctionné après une garde à vue.
Les « voleurs » ont été aperçus sur la route de Neuilly-le-Réal. On les a poursuivis et facilement rattrapés car il ne s’agissait que d’ouvriers partant tranquillement abattre des églantiers. On en a repéré au buffet de la gare, tout aussi étrangers à l’affaire.
Mais d’autres personnages intriguent les policiers. Ce sont les pifferari qui jouent de la cornemuse de porte en porte à Moulins depuis plusieurs jours. Ces musiciens ambulants viennent tout droit d’Italie, de Rome principalement où le son de leurs instruments et leurs chants-prières à Marie font partie de la vie urbaine. Ils portent des manteaux amples en drap brun et des chapeaux aux larges bords.
A Moulins, ils sont décrits comme vêtus de guenilles, allant pieds nus et dansant dans la boue au son de leur instrument. En ce début du mois de février 1888, l’un d’entre eux attire l’attention à la poste d’où il expédie à la trésorerie générale de Châteauroux une lettre chargée portant sur l’enveloppe une valeur déclarée de cinq mille francs.
Le lien est fait avec le vol du mois précédent. L’homme est conduit et interrogé au bureau de police. Les explications fournies sont vérifiées et attestent que cet argent lui appartient bien malgré les apparences. Son envoi concerne un ordre d’achat de 5 000 francs* de rentes françaises qu’il avait passé à la trésorerie générale de Châteauroux. Toutefois, les enquêteurs continuent leurs investigations et découvrent cousus dans son paletot loqueteux 11 000 francs en pièces d’or de 10, 20 et 40 francs. Une fois encore, il peut justifier de la provenance de cette petite fortune s’accordant pourtant mal avec son activité professionnelle plus proche de la mendicité que d’un commerce florissant.
Louis Delallier