Les quartiers moulinois ont tous à cœur de s’amuser à l’occasion de fêtes annuelles. La Madeleine n’est bien sûr pas en reste. Il suffit de traverser le pont Régemortes en ce dimanche 27 juillet 1890 pour trouver des distractions d’une grande diversité le long de la route de Limoges (avenue de la Libération actuelle).
Malgré un soleil généreux, l’après-midi commence poussivement car aucune affiche*, aucun encart dans les journaux n’avaient annoncé les réjouissances. Mais le bouche à oreille joue son rôle et l’affluence augmente au fil des heures.
Les stands s’étalent sur plusieurs centaines de mètres.
Parmi eux, le musée mécanique**, installé à la Demi-Lune (rond-point des Martyrs actuel), fait sensation et ne désemplit pas.
Si on aime se faire peur, il suffit d’entrer dans la galerie de points de vue qui reconstitue, entre autres, l’assassinat de Toussaint Gouffé (huissier de justice parisien retrouvé dans une malle près de Lyon l’année précédente).
Dans la baraque de l’homme incombustible, un intrépide avale de l’étoupe enflammée comme de rien.
Il est aussi possible de s’extasier devant la force exceptionnelle d’un athlète qui, à l’égal de Léo, l’homme fort du théâtre Lamberty en représentation à Moulins, soulève avec ses dents un tonneau chargé de deux énormes haltères, de 6 poids de 20 kg et de sa femme !!! Bien que continuant à se produire à la lueur des torches, il ne fait pas recette. Les spectateurs ont profité de ses efforts surhumains bien ingratement et ont à peine ouvert leur porte-monnaie.
Les enfants, sous la surveillance de leurs nounous, souvent accompagnées de soldats du quartier Villars, sont naturellement attirés par les quatre manèges de chevaux de bois qui tournent inlassablement sur fond de musique d’orgue.
Les six parquets de danse constituent aussi un point fort de la fête. Les danseurs, trop nombreux pour la surface à leur disposition, sont dérangés par les curieux qui empiètent sur la piste.
Pendant la chaude soirée d’été, les promeneurs admirent les quelques maisons pavoisées et illuminées le long de la route de Limoges parsemée de lampions tandis que la poussière vole sous les pas et donne soif. Malgré une forte consommation de limonade et surtout de bière, un seul incident est à déplorer, vers 22 heures. Un cocher de fiacre évite de justesse une femme qui tenait un enfant dans ses bras. Les réjouissances peuvent continuer.
Louis Delallier
*sauf celle placée en face de la caserne « Grand bal publique tenu par J… » avec sa faute soulignée par un journaliste qui, par courtoisie, n’a donné que l’initiale de l’auteur !
**peut-être s’agit-il de l’un de ces musées mécaniques renfermant une centaine de personnages en cire actionnés par des mécanismes tous plus ingénieux les uns que les autres et représentants des scènes historiques ou religieuses.