Ils sont 172 à recevoir la médaille de Sainte-Hélène*, ce dimanche 28 février 1858. Le préfet de l’Allier, Simon Genteur, réunit les anciens militaires de la ville et des deux cantons de Moulins qui ont combattu dans les guerres de 1792 à 1815, place du chemin de fer à 13 heures.
Les autorités civiles et militaires partent en cortège de la préfecture une demi-heure avant pour donner toute la solennité possible à l’évènement. La foule, qui ne s’y trompe pas, est considérable. Quand les fanfares des lanciers se sont tues, le préfet se lance dans une allocution retraçant les grandes heures de l’épopée napoléonienne. Plusieurs « Vive l‘Empereur » sont criés par l’assistance. Puis, c’est l’égrenage des noms par ordre alphabétique.
Au moment de décorer Lazare Modérat**, chirurgien des armées impériales au 18e dragons, le préfet prononce la phrase suivante « Voici 100 francs que l’empereur m’a chargé de vous remettre » à laquelle je n’ai pas trouvé d’explication.
Enfin, au nom de ses compagnons d’armes, monsieur de Séréville, l’un des récipiendaires, remercie le préfet pour cet hommage collectif.
Cette médaille n’a pas été remise à titre posthume. Malgré les 43 ans écoulés depuis la fin du règne de Napoléon 1er, elle a quand même concerné pas moins de 405 000 soldats de la Grande Armée qu’ils soient Français, Belges, Polonais, Danois, Irlandais, etc.
Louis Delallier
*Tout nouvellement créée par Napoléon III (décret du 12 août 1857), cette médaille honore les militaires survivants qui ont combattu sous les drapeaux de la France dans les grandes guerres de 1792 à 1815. Son auteur est le sculpteur Désiré-Albert Barre. À l'avers se trouve le profil de l'empereur Napoléon 1er et au revers : « À ses compagnons de gloire, sa dernière pensée, Ste Hélène 5 mai 1821 ». Elle est placée dans une boîte de carton dont le couvercle, recouvert d'un papier blanc glacé, porte en relief l'Aigle impériale et l'inscription « Aux compagnons de gloire de Napoléon 1er -». La patine de son bronze la fait surnommer « la médaille en chocolat » (Alfred Delvau, dictionnaire de la langue verte, 1867).
** Né le 19 octobre 1783 à Moulins où il est mort rue Saint-Dominique (rue du Pont-Ginguet entre la rue Mathieu-de-Dombasle et la rue de la Fraternité) le 20 mars 1865, Lazare Modérat a eu trois enfants de sa deuxième épouse, Jeanne Barré : Elisabeth en 1849, Marie-Hortense en 1851 et, enfin (il avait alors 70 ans) un fils en avril 1854 auquel il a pu donner les prénoms de Dominique et surtout de Louis Napoléon