Si Jean Partin est considéré comme l’un des derniers postillons moulinois du temps des pataches, ce n’est pas pour cette raison qu’un entrefilet du Courrier de l’Allier annonce son décès le mercredi 25 août 1897, chez lui rue de Lyon à Moulins, à l’âge très respectable de 89 ans.
La raison en est le rôle joué par Jean Partin au moment de l’attentat contre Ledru-Rollin le 1er mai 1849 à Moulins.
Alexandre Ledru-Rollin*, avocat, est un Républicain progressiste très actif dans la campagne des banquets** qui conduira à la révolution de 1848. Ses partisans moulinois l’invitent à un banquet par souscription. Il arrive le 30 avril 1849 dans une chaise de poste et il est reçu à l’entrée de la ville par ses collègues de l’assemblée nationale. Il est accompagné par 200 à 300 ouvriers, cultivateurs, femmes vêtues en cantinières chantant la Marseillaise et le Chant du départ jusque chez Félix Mathé***. Les cris « à bas les blancs ! À bas les riches ! À bas les bourgeois ! Vive Ledru-Rollin ! Vive la Montagne » sont entendus tout le long du parcours.
Le banquet a lieu le lendemain à 14 heures dans le jardin de Flore (donnant sur le boulevard Ledru-Rollin actuel - boulevard de la révolution à cette époque - à peu près à la hauteur de la rue du 8-mai). La tribune est au centre du jardin où des tables ont été dressées pour 8 à 900 convives, hommes et femmes de tous âges. Les noms de Barbès, Blanqui, Raspail figurent en bonne place sur des banderoles. Le commissaire de police observe le déroulement de l’après-midi.
À l’extérieur, des hommes agitent des chapeaux au bout de leurs cannes et font monter la pression en s’écriant « Vive Napoléon ! À bas l’agitateur ! À bas le gueux ! À bas le voleur des 45 centimes ! ». Un coup de couteau est donné par Daniel fils à un nommé Lallerand et deux drapeaux tricolores portés par des délégués socialistes des cantons ruraux sont lacérés.
Une fois la foule dispersée sans plus de dommage, Ledru-Rollin peut regagner la maison de son ami Mathé. Malheureusement l’hostilité à son endroit n’a pas faibli. Un groupe de Moulinois ayant pignon sur rue et d’ouvriers exigent du préfet le renvoi de Ledru-Rollin de Moulins, ce qui leur est refusé. Ledru-Rollin n’a pas enfreint la loi.
Qu’à cela ne tienne ! Ces hommes réunis en deux bataillons se regroupent près de l’hôtel de ville et de la préfecture. Sentant que le vent de la révolte renaît, Ledru-Rollin avance son départ d’une heure.
A 19h 45, il s’installe dans sa chaise de poste tirée par deux chevaux et conduite par Jean Partin. Félix Mathé et Sébastien Fargin-Fayolle (avocat et député de l’Allier d’extrême-gauche) et trois autres amis sont à ses côtés. L’équipage est bien vite repéré et suscite des réactions contradictoires : « Vive Ledru-Rollin ! À bas Ledru-Rollin ! Aux armes ! Mort à Ledru-Rollin ! À bas le gueux ! Il nous faut sa tête ! Où est-il que je l’éventre ! ».
La foule bloque la voiture près de Jacquemart. Des gardes nationaux s’y précipitent. Les coups de baïonnette, de sabre contre les roues, les chevaux et les passagers pleuvent. Des vitres sont cassées. Des fusils sont même brandis. Le postillon est touché au bras par une pierre et l’un des voyageurs à la joue.
On rapporte que Jean Partin, grâce à son sang-froid et son expérience, a pu faire repartir la diligence vers la rue de Paris sans autres dégâts humains.
Ledru-Rollin revient sur l’évènement dès le lendemain à l’assemblée nationale. Il parle d’un « complot homicide fomenté par la classe élevée de la bourgeoisie de Moulins et exécuté par des gardes nationaux choisis parmi les sociétaires des Amis de l’ordre ». Les investigations qui suivent tendent plutôt à croire à un mouvement populaire spontané.
C’est ce que paraît confirmer l’acquittement des principaux participants par la cour d’assises du Puy-de-Dôme le 20 août suivant. Il s’agit de François Montillon 40 ans tailleur à Moulins, ex-lieutenant de la garde nationale, Joseph Juillard 53 ans chapelier à Moulins sergent-major de la garde nationale, Jean-Baptiste Peturet 48 ans marchand de papiers à Moulins, artilleur de la garde nationale.
Louis Delallier
*Fondateur du journal « La Réforme », ministre de l’intérieur, directeur des Beaux-arts et des musées, entre autres.
**quelque 70 réunions à travers le pays sous couvert de banquets pour ne pas tomber sous le coup de l’interdiction des réunions politiques. Les organisateurs prônaient l’élargissement du corps électoral tout en s’opposant aux décisions gouvernementales.
*** élu député de l’Allier d’extrême gauche en 1848 et oncle de Félix Mathé qui sera également député de l’Allier (gauche radicale).