Minuit un quart, mercredi 20 novembre 1889, les agents de police municipaux Chégut et Batret effectuent leur ronde ordinaire dans le quartier du bas-Allier lorsque leurs regards sont attirés par une inquiétante lueur rouge juste au-dessus du lycée Banville. Ils accourent et tirent le concierge de son sommeil avant d’aller prévenir les pompiers et les autorités.
Peu après, la ville retentit du son des clairons et des tambours qui parcourent les rues pour donner l’alerte. Les pompes à eau de la ville, de la gare et de la maison Bruel (soit six en tout) sont conduites sur place tandis que de nombreux habitants, sortis en toute hâte de chez eux, se rassemblent pour former une chaîne. Les cinq escadrons du 10ème chasseurs et du train leur prêtent main forte. Les bras ne manquent pas, mais l’eau s’épuise rapidement. Les fontaines du lycée qui ne sont pas condamnées n’en délivrent qu’une petite quantité. Il faut utiliser toutes les bornes-fontaines proches et même puiser dans le bassin près de l’hôtel de Paris à 300 mètres de là. Dans le froid, la chaîne humaine assure le transport de l’eau, sans faillir, jusqu’aux pompes.
Dès leur arrivée, le préfet Vincent et monsieur Combarnous, ingénieur, font remettre en service toutes les bouches à incendie du secteur. Grâce au dévouement et à l’énergie de tous, le feu qui menace de gagner le grand pavillon est contenu jusqu’à son extinction complète vers 7 heures. Les pompiers et un escadron de chasseurs restent pour déblayer les décombres.
Le préfet, le général Dufaud, le lieutenant-colonel Buirette de Verrières du 10ème chasseurs, messieurs Mandoul, Morionnet et Guillot, officiers de gendarmerie, messieurs Sorrel et Péronneau adjoints au maire de Moulins, messieurs Sevaux procureur de la République, Lhéritier, juge d’instruction, Besson et Béraud, capitaine et lieutenant des sapeurs-pompiers, toutes ces autorités civiles et militaires ont bien entendu apporté leur soutien moral à l’opération de sauvetage du lycée. A ceux-ci, doivent être ajoutés le curé de la cathédrale, son vicaire et d’autres membres du clergé moulinois qui ont eux-aussi bravé la nuit et le froid. Il est rapporté que les journaux républicains ont oublié mentionner ces derniers…
Au matin, deux passantes, voyant des militaires essayer de se réchauffer, demandent à rencontrer leur supérieur auquel elles proposent d’offrir à tous un repas reconstituant dans le restaurant du coin, offre acceptée avec empressement.
Le bâtiment endommagé, d’environ 25 mètres de long sur 8 de large, est situé à l’extrémité sud de l’aile droite du lycée. Il est composé d’une salle d’études au rez-de-chaussée, d’un dortoir de 60 lits et d’une chambre avec lavabos au premier étage, d’ateliers de cordonnerie, de chambres de surveillants et d’autres dortoirs au deuxième. Le feu a démarré dans les combles et atteint le plafond du dortoir du 1er étage. On avancera comme explication le dépôt sur le sol de cendres encore chaudes par un domestique négligent et qui auraient pu enflammer les débris de bois et la sciure garnissant l’espace entre les chambres du 2et et le plafond du dortoir du 1er.
Le chef cuisinier qui regagnait sa chambre dans les combles est le premier à avoir senti une forte odeur de brûlé provenant de la chambre d’un maître-répétiteur, absent. En ouvrant la porte, il lui a fallu faire marche arrière à cause des flammes. Le veilleur de nuit, passé vers minuit, n’avait rien remarqué. Dès l’alerte, les occupants, prestement habillés, ont porté une partie du mobilier et de la literie à l’abri.
Les pertes, seulement matérielles, sont estimées à 28 000 francs dont 25 000 pour le bâtiment et 3 000 pour les objets et le mobilier, l’ensemble étant assuré par la Compagnie du Soleil. Il est à noter que la presse nationale qui a relaté l’événement a fortement grossi la note en annonçant 300 000 francs de dégâts.
Louis Delallier