Le train de messagerie de Paris arrive à Moulins à 1h 45 comme prévu. Rien n’a perturbé le voyage. Tout est en ordre. Et pourtant, le chauffeur ébahi découvre, accrochés à sa locomotive, de macabres débris humains et vestimentaires.
Du commissariat aussitôt prévenu est dépêché à la gare l’agent Sigot qui vient prêter main forte aux cantonnier Eugène Boucher et Auguste Véron. Eclairés de lanternes, ils cherchent des traces le long de la voie ferrée. Au passage à niveau de la rue du Progrès, ils voient se confirmer la terrible éventualité. Une personne a bien été percutée par le convoi. Rejoints par le commissaire Barnaud, ils mettent la main sur une veste, un porte-monnaie et des papiers près de la barrière de la rue de Decize.
Il s’agit de Maurice Le Narvor, ex-pupille de l’assistance publique dont l’histoire sera bien vite reconstituée. La veille du drame, il a diné chez Thévenard, débitant au 48 rue de Paris. Ne pouvant s’acquitter du prix de son repas, il propose de laisser sa bicyclette en gage. Thévenard prévient quand même la police, mais il finit par accepter l’échange car le vélo est en bon état. Maurice repart donc libre de ses mouvements et sans dette.
Après avoir terminé son service militaire à Colmar avec le grade de caporal, il avait été engagé comme domestique chez Debord aux Flaconnets à Pouzy-Mésangy au 15 novembre. Il quitte son employeur le 1er janvier avec 60 francs de salaire. Ce jour-là, il danse au bal de Pouzy et se confie sur sa détresse : « J’en ai assez de la vie, ça ne peut plus aller, il faut que j’en finisse ».
Désespéré par le manque d’argent et par sa rupture avec une jeune fille placée à Moulins ? Personne ne saura jamais vraiment pourquoi, Maurice a attendu le passage du premier train ce matin du 2 janvier 1939 pour en finir une bonne fois pour toutes, à 23 ans. On sait de lui qu’il était coureur cycliste indépendant amateur. Une carte de l’Union vélocipédique de France trouvée sur lui et le soin qu’il prenait de son vélo en attestent.
Louis Delallier