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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Il y a 100 ans, des pèlerins bourbonnais victimes du rail dans le Gers

Publié le 2 Août 2022 par Louisdelallier in Faits divers

Le Matin du 4 août 1922

Le Matin du 4 août 1922

La terrible nouvelle s’est répandue dans le département comme une traînée de poudre : deux des trois trains du pèlerinage bourbonnais à Lourdes se sont percutés. Les très nombreux morts et blessés sont tous originaires de l’Allier. La confusion et la tristesse sont grandes en ce 1er août 1922. En attendant la confirmation des identités, on se transmet des rumeurs qui ne font qu’alarmer encore plus les proches des passagers.

Le lundi 31 juillet, les trois trains spéciaux affrétés par le diocèse de Moulins partent pour Lourdes. Le premier conduit ses pèlerins jusqu’à destination sans incident. Mais le train venant de Moulins et celui venant de Montluçon entrent en collision, de bonne heure le 1er août, sur la ligne à voie unique entre Agen et Tarbes passant par Auch. Ces trains très chargés n’auraient pas dû circuler sur une ligne mal équipée et mal entretenue. L’usage voulait qu’ils empruntent la ligne principale par Toulouse. Il en est allé autrement, car la Compagnie du Midi souhaitait soulager cette ligne très sollicitée en cette période de l’année. Seul un chef mécanicien habitué de cet itinéraire est adjoint aux conducteurs bordelais nouveaux venus à cet endroit.

Au départ d’Agen, la locomotive tirant le train de tête pose un problème réduisant ainsi son avance de sécurité de trente minutes sur le deuxième train. A Mirande, on doit effectuer une réparation succincte sur un injecteur, ce qui réduit la production de vapeur et la force de traction. Une fois Mirande dépassée, la voie suit les fortes déclivités du terrain auxquelles s’ajoute la surcharge d’environ 50 tonnes du treizième wagon adjoint pour transporter davantage de fidèles. Après Laas, une montée cause un premier arrêt pour faire remonter la pression.

Il reste encore une difficulté de premier ordre à affronter, celle d’une autre montée d’un peu moins de cinq km avec une pente pouvant atteindre 26 du côté du village de Laguian-Mazous (Gers). C’en est trop pour le matériel affaibli et patinant sur des rails glissants à cause de la brume. Le convoi ne peut plus avancer. L’alerte est donnée au train de Montluçon qui se rapproche dangereusement. Les hommes d’équipe du train de Moulins tentent de redémarrer en mettant du gravier sous les roues et gagnent quelques mètres bien insuffisants pour finir de gravir la côte.

Les circonstances du drame sont alors presque toutes réunies. Il s’y ajoute l’impossibilité des freins à retenir la masse inerte qui commence à redescendre en direction du train de Montluçon dont le conducteur, bien que roulant lentement et avec grande prudence, ne peut que constater l’inéluctable collision. Il freine de toute urgence. Mais il est trop tard. Les trois derniers wagons en bois du train de Moulins reçoivent l’essentiel du choc en s’écrasant à 35 km/h contre l’acier de la locomotive. Il est 4h 50.

Six-cents pèlerins occupent le premier train. Seuls ceux des deux dernières voitures (de 2e et 3e classes), réveillés en plein sommeil, payent le prix fort hormis quelques-uns dont Monseigneur Penon, évêque de Moulins, qui s’en sortent avec de légères blessures. L’obscurité et le brouillard compliquent le travail des infirmières et infirmiers (accompagnant des pèlerins malades) qui donnent les premiers soins aux blessés, certains très grièvement, en attendant le premier train de secours qui n’arrive qu’à 10 heures, la ligne télégraphique n’ayant rouvert qu’à 6h 30.

Le bilan s’établit à 33 morts et 32 blessés dont beaucoup ayant des liens de parenté. Le samedi 5 août, les cercueils sont acheminés par train spécial à la gare de Moulins où ils sont installés en plein air sur un catafalque. Une foule d’environ 2 000 personnes s’est massée dans la cour. Entre 15h 30 et 16 h30, se déroule une cérémonie d’hommage aux victimes en présence des autorités civiles et religieuses. Les obsèques auront lieu les jours suivants dans les communes respectives.

La stupeur et le chagrin n’empêchent pas de se poser la question des responsabilités. Une enquête officielle est confiée à Monsieur Maison, directeur du contrôle du ministère des Travaux Publics qui, très rapidement, exonère la Compagnie du Midi de toute responsabilité. Les seuls responsables sont les cheminots qui n’ont pas pris les bonnes décisions alors qu’ils avaient du matériel en bon état de marche… Plus tard, Pierre Semard, secrétaire de la fédération des cheminots, produit des conclusions techniquement solides et bien différentes dans le journal l’Humanité. Il dénonce l’entente entre le gouvernement et les compagnies de chemin de fer.

Le 1er juin 1923, le tribunal correctionnel de Mirande relaxe les deux cadres de la Compagnie du Midi responsables de la gestion du trafic et condamne le mécanicien-chef et le mécanicien à trois et un mois de prison avec sursis pour homicide involontaire. Il fallait bien trouver des coupables.

Un an après le drame, deux stèles commémoratives de granit en forme de croix sont dressées, l’une à l’endroit de la catastrophe, l’autre à Lourdes dans l’enceinte des sanctuaires.

Quelques jours après l'accident, une malheureuse coïncidence dans la programmation de l’American cinéma des samedi 12, dimanche 13, lundi 14 et mardi 15 août à Moulins semble n’avoir dérangé personne :

Le célèbre Max Linder dans Sept ans de malheur, comédie en cinq parties

Albertini (Bras d’Acier) dans Un drame en wagons-lits

Louis Delallier

 

La liste des victimes est impossible à établir avec une fiabilité totale (trop d’imprécisions et de contradictions dans les comptes rendus journalistiques) :

  1. Mademoiselle Marguerite Cochard, Moulins
  2. Madame Marguerite Barbarin, Cusset
  3. Mademoiselle Marie Ruet-Lamotte (Mariol)
  4. Monsieur Gabriel Dessert (Andelaroche), ancien maire (quatre enfants blessés)
  5. Madame Aimée Mangin (Franchesse)
  6. Madame Collas (Châtel-de-Neuvre)
  7. Sœur Agathe, maison de retraite de la congrégation de Notre-Dame (Moulins)
  8. Sœur Saint-Martin (Mariol)
  9. Sœur Philomène (Le Montet), visiteuse des malades de la paroisse
  10. Abbé J. B. Giraudet, curé de Montaigu-le-Blin
  11. Abbé Joseph Allier, curé de Saint-Gérand-le-Puy
  12. Madame Renaud de La Celle (Le Coteau dans la Loire) née à Chassenard
  13. Son fils Alain
  14. Mademoiselle Fournier (Saint-Gérand-le-Puy)
  15. Monsieur Maurice Fournier (Saint-Gérand-le-Puy), frère de la précédente
  16. Madame Lucie Signoret (Saint-Gérand-le-Puy) décédée à l’hôpital (nièce de l’abbé Giraudet)
  17. Madame Michelle Étiennette Renée des Champs de Verneix, née Defaye (Dompierre),
  18. Marie-Thérèse Defaye (Dompierre), mère de madame Renée Defaye
  19. Monsieur Hubert Beauchamp (Vaumas), petit-fils de Mme Defaye
  20. Mademoiselle Marie Perdriat (Bourbon-l’Archambault), fille du médecin consultant de Bourbon
  21. Mme Sevaux, née Grandpré (Chantelle) (veuve du procureur de la république de Moulins)
  22. Madame Jacquin (Chantelle), dame de compagnie de Mme Sevaux
  23. Madame Marguerite Bernardet, née Richet (Aubigny)
  24. Madeleine Charvet (Lenax)
  25. Madame Varet (Vichy)
  26. Mlle Solange Patissier (Vichy) (une sœur blessée)
  27. Madame Branchet (Vichy)
  28. Madame Desbouis (Vichy), décédée à l’hôpital de Tarbes
  29. Mademoiselle Odette Desmoulières, (Le Montet), sœur de sœur Agathe
  30. Madame Marie Brun, caissière à la coopérative La Ruche berrichonne à Bourges, sœur de Solange Lenoir blessée
  31. Madame Pauline Rigondet, (Sanssat)
  32. Madame Laurier (Moulins), directrice de l’école libre de la rue de Bourgogne
  33. Madame Jeanne Forgeron (Aubigny).
Eglise de Neuvy, vitrail en hommage à Marguerite Cochard (Photo Louis Delallier)

Eglise de Neuvy, vitrail en hommage à Marguerite Cochard (Photo Louis Delallier)

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J
Le seul nom dans la liste des victimes qui me dit quelque chose, c'est Richet, à Aubigny. La famille Richet habite le domaine au bord de la route qui va de Bagneux à Aubigny, "Roche". Le logis principal a été modifié dans un goût prétentieux, avec un balcon qui n'a rien de Bourbonnais. Au domaine mitoyen, "le Pavillon", habitent les Bréchignac.
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T
Bonjour<br /> Dans l'article, à la fin, vous parlez de l'Américan Cinéma. Est ce l'ancien colisée ou une autre salle. Merci
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L
Bonjour !<br /> <br /> C'est bien le Colisée sur le cours Anatole France.
E
Merci infiniment pour cet article , ce dramatique et mortel accident n’ a été évoqué nulle part et c’est dommage , un hommage aurait pu leur être rendu 100 ans après , vous l’avez fait , j’ai pu en parler autour de moi , nous l’ignorions tous .... hélas !
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L
En mai 2022, il y a eu un article dans le Journal du Gers et la Dépêche du Midi. Mais ici dans l'Allier, le souvenir semble avoir disparu. <br /> Merci pour votre commentaire.