La première exposition universelle est celle de Londres en 1851, suivie de peu par celle de Paris en 1855. Rendez-vous des savoir-faire, des talents créatifs, des modes de vie, elles revigoraient les pays fatigués par leurs guerres extérieures. On attendait de ces expositions plus de compréhension entre les populations des divers continents grâce au voisinage des cultures.
Celle de 1900 est la cinquième française et la dernière du 19e siècle dont elle est l’occasion de faire le bilan. Inaugurée le 14 avril par Émile Loubet, président de la République, elle ouvre au public le lendemain et jusqu’au 12 novembre. Les nouveautés, les attractions, les différents pavillons sont autant de d’émerveillement pour les 51 millions de visiteurs qui peuvent s’y déplacer sur un trottoir roulant à deux vitesses (4,2 ou 8,5 km/h) placé sur un viaduc à 7 mètres du sol. On a du mal à imaginer la somme d’informations et de découvertes à leur disposition. Belle époque et Art nouveau français sont à l’honneur. Il nous en reste les Petit et Grand Palais. En même temps, se déroulent à Paris les 2èmes jeux olympiques.
Les compagnies de chemin de fer se sont adaptées pour transporter autant de personnes que possible. A titre d’exemple, le P.L.M. fait circuler des trains au départ de Moulins tous les dimanches d’octobre pour six francs l’aller-retour. Comme les billets s’arrachent (305 voyageurs le 7 octobre), les trains sont doublés. On n’y trouve que des 3e classes avec possibilité pour les familles de 10 personnes de réserver des compartiments.
Les horaires (Moulins 3h 30 - Paris 9h 24 et Paris 0h 40 - Moulins 6h 51) laissent la journée libre et permet même une soirée au théâtre ou au cirque comme c’est le cas pour ceux qui veulent profiter de leur excursion jusqu’au bout.
Le ministre des travaux publics, Pierre Baudin, veut faciliter l’accès de l’Exposition à ses fonctionnaires les mieux notés parmi les gardes-éclusiers, gardes de barrages, etc. Il fait prélever sur le budget des travaux publics des fonds pour le versement d’une allocation de 30 francs de frais de séjour et 5 francs par 50 km parcourus.
La municipalité de Moulins se fait également un devoir d’encourager son monde ouvrier à s’y rendre. Elle organise des réunions de sélection à la mairie du 10 au 16 septembre et octroie 100 francs à chaque délégué d’une corporation pour ses frais. A leur retour, les rapports qu’ils auront établis seront examinés et seront récompensés par des médailles d’or, de vermeil, d’argent et de bronze ou mentions honorables en fonction de leur qualité. Sont désignés par leurs confrères :
Bourreliers-selliers : J. Duc (25 rue de l’Ouest)
Carrossiers : J. Blavy (rue Durand)
Chapeliers : Louis Colin (68 rue de Bourgogne)
Charpentiers : P. Sallet (26 rue de Bardon)
Cimentiers : Georges Pierre (39 rue du Rivage)
Cordonniers : H. Rubinet (9 place de la Liberté)
Couvreurs : Soubry (5 Petite-rue de la Madeleine)
Ébénistes : A. James (10 rue du Manège)
Ferblantiers, chaudronniers, zingueurs : Frantz Butin (39 rue de Refembre)
Fondeurs : Pierre Marandet (23 rue des Garceaux)
Imprimeurs-typographes : Alexandre Legrand (8 rue des Couteliers)
Maçons : F. Charnier (rue Durand)
Mécaniciens : L. Simonet (19 rue de Lyon)
Menuisiers : Pilet (35 rue du Jeu-de-Paume)
Peintres : Edouard Demanèche (14 rue Félix-Mathé)
Plâtriers : J.B. Allot (boulevard de Courtais)
Potiers : Lecrenier (6 rue Pierre-Petit)
Sabotiers-galochiers : Rizat (16 rue Régemortes)
Serruriers : Ch. Dhéret (aux Champins)
Tailleurs d’habits : Tamain (11 rue Jean-Jacques-Rousseau)
Tailleurs de pierre, sculpteurs : Aumaître (14 rue Gaspard-Roux)
Tanneurs : François Bondet (84 rue du Jeu-de-Paume)
Tapissiers : F. Mansier (3 rue de la paix)
Ils commencent la visite de l’exposition le lundi 24 septembre et rentrent à Moulins le samedi 29 ou le dimanche 30.
Parmi les quelque 100 000 récompenses octroyées par les jurys secondés par des experts de l’Exposition, voici une sélection bourbonnaise :
Moulins
Belin fils, horticulteur et rosiériste, 2e prix pour ses roses coupées et médaille de bronze
M. le directeur de l’école primaire supérieure de garçons
Ecole normale d’instituteurs, médaille d’argent
Mlle Page, institutrice
Jeancolas, instituteur
Léon Bonneau, 2e prix (coqs) et mention honorable (poules)
Bruel et fils, matériel des exploitations rurales, hors concours
M. Ministron, contremaître chez Bruel, médaille d’or
M. Lacroix, même maison, médaille d’argent
Sorrel frères et Cie cuirs et peaux, grand prix
Bellavoine de chez Sorrel, médaille d’or
Francis Busset, menuisier, médaille d’argent
Pailloux-Michel et Cie
Barillot C., médaille de bronze
Serre Eugène et fils
Médailles de bronze à MM Baulin, Guyot, Bonnet – mentions honorables Pinson, Nailloux, Redon
Société populaire des beaux-arts présidée par le baron Le Febvre, médaille d’or
Société d’émulation et des beaux-arts, mention honorable
Société française de conserves de viande pour l’armée, La Bourbonnaise
Autres lieux bourbonnais
École primaire supérieure de garçons, Vichy, médaille d’argent
École communale de filles de Montluçon et de Serbannes, médaille de bronze
Maillat, instituteur, Doyet, médaille de bronze
Moriot, Gannay-sur-Loire, médaille de bronze
Boissonnet, instituteur, Bellenaves, mention honorable
Cornier, Gouise, mention honorable,
Lacaze, instituteur, Mines-de-Bert, mention honorable
Mallet, Voussac, mention honorable
Moreau, Escurolles, mention honorable
Gérard, instituteur, Montluçon
École professionnelle et ménagère, Yzeure
École d’agriculture de l’Allier, médaille d’argent, et deux médailles de bronze aux professeurs
Les peintres Marius Perret et René Andreau reçoivent respectivement une médaille d’argent, une mention honorable. Un grand prix de gravure et de lithographie est attribué à Marcellin Desboutin.
La presse signale aux lauréats de prendre garde à de faux documents prétendument officiels estampillés République française ou Ville de Paris qui pourraient leur être proposés moyennant finance.
Quant à nos délégués ouvriers, ils sont reçus le dimanche 21 avril 1901 au gymnase municipal du boulevard de Courtais, transformé et décoré par les soins de M. Aupierre-Osty et de la maison Merlin sous la direction de M. Gannat, ingénieur-voyer municipal. Une estrade a été dressée pour accueillir les très nombreuses personnalités conviées*.
D’emblée, il est regretté un manque d’intérêt certain de la part des ouvriers, pourtant les premiers concernés par cette manifestation, jugée brillante qui commence par une Marseillaise toute aussi brillante, jouée par l’incontournable Lyre moulinoise.
Chacun des délégués a eu à exprimer ses remarques, critiques et appréciations personnelles à la suite de sa visite de l’Exposition devant une commission composée de trois élus municipaux. Seuls les délégués des cimentiers Pierre et des couvreurs Soubry manquent à l’appel. Alexandre Legrand, typographe, est classé hors-concours pour un rapport remarquable. Il reçoit la médaille de vermeil grand module.
Les rapports notés « très bien » de MM Charnier, maçon, Marandet, fondeur, James, ébéniste, Colin, chapelier et Rubinet, cordonnier, leur valent une médaille de vermeil. La mention « bien » et par conséquent la médaille d’argent sont attribuées à MM Demanèche peintre, Ch. Dhéret, serrurier, Butin, zingueur, Aumaître, tailleur de pierre, Pillet, menuisier, F. Mansier, tapissier, Tamain, tailleur d’habits, F. Bondet, tanneur, J. Blavy carrossier, et Lecregnier, potier. Les médailles de bronze pour une appréciation « assez bien » vont à P. Sallet, charpentier, JB Allot, plâtrier, L. Simonnet, mécanicien et J. Duc sellier-bourrelier.
La remise d’un diplôme commémoratif pour tous précède les discours et l’allocution, « vibrante de sincérité et d’ardeur » prononcée par le carrossier Blavy. La Marseillaise retentit pour la deuxième fois avant que ne s’élève un « Vive la République ! » général.
Louis Delallier
Voir aussi mon article sur le banquet des maires du 22 septembre 1900 dans le cadre de cette exposition.
*Préfet Edgar Combes, MM Sorrel maire, Péronneau député, Bruel sénateur, Chanson président du tribunal, Girard-Alonzo juge, Lefebvre inspecteur d’académie, l’inspecteur primaire, Bourgeois-Gavardin directeur des postes et télégraphes, Bernardeau conservateur des contributions indirectes, le conservateur des hypothèques, Gondard et Raby adjoints au maire, Robin commandant du train des équipages, Roth commandant de gendarmerie, le capitaine de gendarmerie, Trimouiller président du conseil de préfecture, les conseillers municipaux de Moulins, les membres du tribunal de commerce, de la chambre de commerce, du conseil des prud’hommes, MM Magnoux et Prud’homme, les lieutenant et sous-lieutenant des sapeurs-pompiers, les directeurs des écoles laïques de la ville, etc.