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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

L’auberge Franchaise à Moulins, refuge des vagabonds

Publié le 23 Octobre 2022 par Louisdelallier in Faits divers

Une partie de la rue du Pont-Ginguet

Une partie de la rue du Pont-Ginguet

L’hôtel du Petit-Voyageur, rue du Pont-Ginguet, précédemment tenu par M. Pestraud, passe aux mains des Franchaise, Jean et Couronne à partir de 1889. Les lieux sont connus pour être le rendez-vous des vagabonds qu’on appelle alors chevaliers de la grand-route ou roulants.

Quotidiennement, 40 à 50 d’entre eux y descendent, pour une ou plusieurs nuits, venant parfois de loin, car ils savent qu’ils seront bien soignés. Madame Franchaise qui craint la vermine a aménagé une chambre d’épuration, selon ses termes, où, pour 15 centimes, ses clients sont lavés et leurs vêtements passés dans une fumigation au soufre*.

Une telle fréquentation ne peut qu’entraîner quelques désordres qui contribuent à la réputation pas fameuse de l’établissement ironiquement surnommé l’hôtel des Ambassadeurs par les Moulinois.

Certains de ces désordres font l’objet de brefs comptes-rendus dans la presse locale. Le 5 mars 1889, vers 5 heures, le brigadier de police Tint et cinq agents y font une descente qui fait fuir la quarantaine de clients par les portes, les fenêtres, la cave et même par les toits. Les quelques passants dans la rue pensent être les témoins d’un évènement grave alors qu’il ne s’agit que de l’arrestation de huit repris de justice.

En juillet 1890, l’agent Thévenin met fin à une bagarre entre deux pensionnaires ivres en les conduisant en prison.

Le 22 octobre, Le Quéfelec, un pensionnaire, aide un camarade de boisson à monter dans sa chambre. Il est alors frappé gravement à la tête et doit être hospitalisé, mais ne dénoncera pas le coupable.

Le mois d’après, quatre pauvres gars y sont appréhendés : Laurent, 37 ans, journalier d’Estivareilles, Jean, 54 ans, maçon, originaire du Cher, Auguste, 58 ans, cordonnier, né à Mende, et Joseph, 16 ans, marchand ambulant venu du Puy-en-Velay. Ils passent, dans la journée, à l’audience des flagrants délits où on leur annonce leur mandat de dépôt. C’est à cette époque que le préfet de l’Allier, Pierre Vincent, prend un arrêté à destination de tous les maires du département pour officialiser les mesures à prendre contre la présence grandissante de roulants et de mendiants dont l’attitude bien souvent menaçante est la source de plaintes quotidiennes (voir mon article à ce sujet).

L’après-midi du 9 août 1895, deux concubins, Joseph Ferrand, 27 ans, graveur sur métaux, originaire de Lyon et Eugénie Gateau, 22 ans, chanteuse ambulante native d’Alluy dans la Nièvre, en viennent sérieusement aux mains à tel point que monsieur prend la fuite jusqu’à l’auberge de la rue Wagram. Madame le rejoint et lui propose rien moins qu’un duel à mort au couteau dans la rue. Cela n’émeut pas le voisinage qui s’attroupe pour assister au spectacle. Eugénie atteint Joseph au menton avant d’être stoppée dans sa furie. Au commissaire de police, elle assure qu’elle visait la gorge, mais qu’elle aurait aussitôt regretté son geste. Ils terminent tous les deux à la Mal-Coiffée.

En février 1896, on déplore le décès des suites de problèmes cardiaques, à l’auberge Franchaise, de Constant Espy, 48 ans, tonnelier originaire de Puylaurens dans le Tarn. Il y logeait depuis plusieurs jours. Quarante-huit heures plus tôt, un charron de 40 ans arrivé de Lusignan dans la Vienne avait été écroué à la Mal-Coiffée pour avoir volé 5 francs à un nommé Duboisset qui lui avait pourtant offert un coup à boire.

Une nouvelle descente de police a lieu la veille de Noël 1896 pour une trentaine d’arrestations dont certaines seront confirmées par des emprisonnements.

Moins d’un mois après, l’auberge fait encore parler d’elle. De bon matin, la police emmène au poste une quinzaine d’hommes sortis manu militari également de chez Guélin et autres tenanciers des bas-quartiers. Cinq seront jugés.   

En mai suivant, l’après-midi du 21, un chanteur ambulant de 36 ans, Antoine Puget, logé à l’auberge Franchaise, se dispute avec un autre client. La patronne le fait expulser malgré les menaces qu’il profère et appelle la police. Il est tellement sous l’emprise de l’alcool et de la colère qu’il faut un véhicule pour l’emmener en prison. A 22 heures, il se déshabille et lacère ses vêtements. On lui procure une couverture. Le lendemain, vêtu convenablement, il doit s’expliquer devant le procureur de la république.

Les petites affaires ne cessent pas, même après la reprise de l’établissement par Mme Rameau, qu’elles aient lieu sur place ou que Couronne Franchaise, retirée rue Pape-Carpantier, en fasse les frais. Elle est concernée par un vol de draps, tablier, couverture et nappe par l’une de ses locataires. C’est encore chez elle qu’une jeune nivernaise est arrêtée pour vols également.

Les Franchaise, nés respectivement à Domérat en 1819 (monsieur) et à Lyon en 1829 (madame) se sont mariés à Lyon en juin 1853. Ils exerçaient alors les professions de tailleur d’habits et piqueuse de bottines. Jean décède rue Pape-Carpantier en juin 1901 et Couronne en février 1903, rue du Pont-Ginguet.

 

Louis Delallier

 

*Au début de l’année 1896, une affiche placardée en ville informe les Moulinois du fonctionnement d’une étuve à désinfection par vapeur sous pression installée dans les dépendances de l’hôpital civil et militaire tous les jeudis. Il suffit de faire une demande à l’économe. Il en coûte 20 centimes par utilisation. Elle est gratuite pour les indigents.  

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