Victorine Lefebvre, couturière de son état, a bien réussi sa vie professionnelle comme directrice d’une maison de couture parisienne qu’elle a fait prospérer. Née à Moulins, rue de Paris, le 14 novembre 1843 (Son père est poêlier fumiste et sa mère est sans profession), elle y décède, le 2 novembre 1885, rue des Orfèvres.
Par testament, elle institue un prix de vertu destiné à aider une jeune ouvrière pauvre et méritante, orpheline de père, qui doit être décerné alternativement à Moulins et à Yzeure, le 25 octobre de chaque année.
« Ayant eu des débuts très durs qui ont usé prématurément ma santé, j’ai vu quel immense service une avance de quelque cent francs peut rendre à une ouvrière laborieuse et ayant de la conduite. Je désire rendre ce service après mon décès. »
Mais son legs de 20 000 francs est refusé par la municipalité moulinoise qui considère que la charité ne peut être que laïque. En effet, les candidates doivent figurer sur une liste de 10 noms présentée par le curé de la cathédrale aux membres du conseil municipal. Cela oblige l’exécutrice testamentaire de Victorine et son notaire à rechercher un prête-nom en la personne d’un célibataire âgé. Ce sera l’abbé Violle, curé à Yzeure, qui jouera les intermédiaires. Et c’est bien dommage pour la mémoire de la généreuse légatrice car la presse et les documents officiels ne parlent que de la fondation Violle.
En octobre 1904, Marie Sancelot, couturière rue de Bourgogne où elle habite avec sa mère, reçoit son prix sous la forme d’un livret de caisse d’épargne de 610 francs.
Dans les mêmes temps, une autre Moulinoise de 71 ans est récompensée par le prix Pérou de l’Académie française*, décerné annuellement à des domestiques qui l’auront mérité par leur dévouement à leurs maîtres. Célestine Dodat, fille de cultivateurs yzeuriens, est placée dès l’âge de 12 ans chez les Bardin, négociants rue d’Allier. Lorsque ses employeurs connaissent de longues et graves difficultés financières, elle les héberge à son domicile, rue des Potiers et prend en charge la fille de ses derniers sur ses économies personnelles. L’Académie lui offre 500 francs.
Louis Delallier
*En 1782, le baron Auget de Montyon fait une donation, d’abord anonyme, à l’Académie française pour récompenser un acte de vertu. C’est le point de départ du mécénat social de l’Académie. Au début de notre siècle, deux-cent-trente prix, aides ou subventions sont encore attribués à des familles nombreuses, des œuvres de bienfaisance, des personnes ayant accompli des actes de courage ou de solidarité exceptionnels.