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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

D’autres victimes ordinaires à l’atelier de chargement

Publié le 24 Septembre 2023 par Louisdelallier in Guerre 14-18, Faits divers

Obus guerre 14-18 (Photo Louis Delallier)

Obus guerre 14-18 (Photo Louis Delallier)

L’atelier de chargement* de Moulins-Yzeure, rue des Epoux-Contoux, fonctionne à partir du 22 février 1916 pour fournir des obus aux soldats du front. Deux équipes se relèvent jour et nuit (6 heures à 17 heures et de 17 heures à 3 heures) dans les émanations de vernis, de poudre et autres produits terriblement nuisibles pour la santé. La production atteindra 50 000 obus journaliers. En février 1918, on dénombre 8 348 personnes civiles et militaires (Français, Italiens, Nord-Africains et Indochinois) dont 1 577 femmes qui travaillent dans des conditions difficiles et dangereuses.

Les accidents y sont nombreux et parfois dramatiques. Après la mort de Catherine Ducher-Allègre et de Maria Fafournoux-Mallat, le jeudi 12 avril 1917, dans l’éclatement d’un obus sur lequel elles posaient une goupille et la terrible explosion dans la nuit du 2 au 3 février 1918 (voir mes articles sur ses deux sujets), la folie des hommes fait encore des victimes ce 30 octobre 1934 vers 8 heures.

Gabriel Moine est occupé à placer des obus de 37 dans leur douille à l’aide d’une machine à encartoucher qui permet un rendement de 1 000 obus à l’heure. Cette opération, effectuée depuis huit ans à l’atelier de chargement, est presque devenue routinière et n’a encore occasionné aucun incident. Mais ce jour-là est différent. Un obus explose entre les mains de Gabriel et atteint quatre de ses collègues. Grâce à une mesure de sécurité consistant à séparer les équipes de six à sept personnes par des cloisons, les dégâts sont limités. Des ouvriers se précipitent pour secourir leurs collègues en attendant l’arrivée du docteur Pénard. Celui-ci ne tarde pas et ordonne de transporter les blessés à l’hôpital Saint-Joseph en centre-ville :

Gabriel Moine, 33 ans, d’Azy-le-Vif dans la Nièvre

Augustin Charbonnier, 40 ans, de Toulon-sur-Allier

Madame Virginie Barbillon, veuve, 45 rue des Garceaux à Moulins

Mme Joséphine Robert, 34 ans, 64 rue du Rivage à Moulins

Mme Marie Fayet, née Fradin, 63 ans, de Toulon-sur-Allier.

Les blessures de Monsieur Moine sont tellement graves qu’elles conduisent à l’amputation de sa main gauche et de ses index et pouce droits. L’état de Mme Barbillon est extrêmement sérieux : maxillaire inférieur broyé et perforation au thorax. Mme Robert porte une plaie profonde à la joue gauche et une au bras droit qui n’inquiètent pas le médecin. M. Charbonnier et Mme Fayet peuvent regagner leur domicile dans la matinée une fois leurs atteintes au visage soignées. Le maire de Moulins, René Boudet, et M. Brosset, l’un de ses adjoints, rendent visite aux blessés encore hospitalisés. Monseigneur Gonon, évêque, les vicaires généraux et le chanoine de la Celle en font autant.

Chacun des blessés n’aura plus qu’à continuer à vivre tant bien que mal avec ses séquelles physiques et psychologiques. Gabriel Moine, handicapé à vie, est réformé définitivement le 10 février 1938. Une mention du 1er mars 1939, en bas de sa fiche militaire, indique froidement « non récupérable » !

 

Louis Delallier

 

* Aujourd’hui, on y trouve la 13ème BSMAT (Base de soutien du matériel) de l’armée.

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