Les appels du clairon et du tambour annoncent un grave incendie route de Limoges dans le quartier de la Madeleine à la brasserie des frères Loizel*. Le brouillard descendu sur la ville n’empêche pas une grande lueur de s’étendre dans le ciel au-delà du pont Régemortes. Des estafettes à cheval s’empressent d’aller informer les autorités tandis que les pompes à eau sont transportées aussi vite que possible sur les lieux. Le danger est grand. Tous les bâtiments sont entourés de flammes portées par le vent du sud vers les fourrages militaires qu’il faut absolument protéger pour éviter une extension encore plus dramatique.
Grâce à deux pompes, à des lances, à l’ouverture de toutes les bouches d’eau, grâce à des haches et à un détachement de cavaliers du 10e chasseurs, on lutte avec acharnement pendant quatre heures contre le feu qui a pris une ampleur considérable. Il faut au moins sauver le mobilier de l’entreprise. A minuit enfin, on considère que le danger est écarté. Mais ça n’est qu’à 2 heures du matin que l’extinction complète est annoncée.
Les dégâts sont impressionnants. Une grande partie de l’outillage, des stocks de grains, des marchandises est consumée. Par chance, les machines ont été épargnées. Il ne reste que l’aile où logent les Loizel bien qu’endommagée elle aussi. On ne déplore aucun accident corporel. Messieurs Sorrel, maire de Moulins, Samson, Aubry, Péronneau, Dupré, Beaugrand, Niel, colonel du 10e chasseurs, Jametton commandant du train des équipages, le préfet et bien d’autres ont pu constater avec quelle énergie les flammes ont été combattues par la troupe et particulièrement le fourrier Maclet du 13e escadron du train. Celui-ci est, en effet, resté bravement, la lance à la main, une heure durant debout sur des murs devenus dangereux. Les brigades de gendarmerie et de police ont également apporté leur appui.
Le sinistre aurait débuté dans le séchoir à l’ouest de la brasserie. Le chauffeur d’une machine en avait couvert les braises résiduelles ordinaires vers 18 heures et n’avait rien vu d’anormal.
Les pertes de la brasserie sont estimées à quelque 55 000 francs. M. Objois et son gendre, M. Chaubet adjudant du 13e escadron, n’ont à déclarer que dommages mobiliers dus surtout à la précipitation du déménagement de leur habitation voisine. Tout est fort heureusement assuré.
Quelques jours plus tard, les frères Loizel font paraître des remerciements chaleureux à l’adresse de la population qui s’est démenée pour limiter la casse. Le sauvetage de leur machine-générateur leur permet de continuer la fabrication et ainsi de ne pas licencier leurs ouvriers.
L’évènement a fait l’objet d’entrefilets dans la presse partout en France : Le Matin, La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, La Marseillaise, La Charente, etc.
Louis Delallier
*maison fondée en 1863, située à l’emplacement actuel du Four de la Madeleine (n°40 avenue de la Libération).