Mathias et Marie Descurtins, pâtissiers-confiseurs rue François-Péron à Moulins peuvent se féliciter des diplômes d’honneur pour leurs gâteaux bourbonnais obtenus au concours international et alimentaire de Paris en octobre 1894 et à l’exposition du travail national de Saint-Denis qui leur a également remis les palmes de l’Académie du progrès. Leur réputation faite, leur commerce prospère. Un peu avant l’été 1910, ils choisissent de s’installer dans la très bourgeoise et confortable villa des Rochettes, allée des Gâteaux (avenue du Général-de-Gaulle actuelle).
Mais, le mardi 6 septembre vers 20h 45, leur quiétude est profondément troublée. Des explosions de pétards les surprennent alors qu’ils s’apprêtent à se coucher. M. Descurtins se précipite à la fenêtre d’où il tente d’apercevoir quelqu’un tout en proférant des menaces « Retirez-vous ou nous tirons ! » C’est alors qu’une explosion plus violente retentit alors que Mme Descurtins regarde, à son tour, par l’entrebâillement des volets de la chambre. A demi-évanouie de peur car la charge lui aurait frôlé la tête, elle recule en criant au secours et au feu dans une pièce envahie de fumée.
M. Chatenoud, un voisin, arrive à la rescousse et aide Mathias Descurtins à fouiller les massifs. Mais ils ne découvrent que des traces de pas. Le brigadier Tint et ses agents prennent le relais des constations en s’éclairant à la bougie. Ils interrogent particulièrement Marie Descurtins qui paraît avoir été visée par le ou les agresseurs et admettent la version des coups de fusil.
Le lendemain matin, MM Dormand, substitut, et Mallet, juge d’instruction, procèdent à leur propre enquête et affirment que la présence de fumée dans la chambre ne peut provenir d’une arme à feu.
Vers 15 heures, les journalistes sont informés que le « meurtrier », dont il avait été d’abord question, n’est qu’un mauvais plaisant armé de deux bombes japonaises* puissantes. Le rapport de l’armurier qui examiné les fragments des engins explosifs l’atteste. Dans la foulée, le brigadier Tint, remplaçant le commissaire Allard en congé, questionne tous les épiciers et débitants de tabacs du secteur et finit par apprendre que l’un d’eux a bien vendu des pétards et des bombes japonaises à deux patronnets** de la pâtisserie Descurtins, Alfred, 18 ans, et Louis, 17 ans. Ces derniers sont vite identifiés et avouent les faits dont ils ne mesuraient pas les conséquences. Ils reconnaissent avoir voulu effrayer principalement la patronne en lui faisant une blague. Tous les deux ont quand même poussé la plaisanterie jusqu’à aider les Descurtins à regagner leur domicile de la rue François-Péron, dès le 7, en insistant sur les risques de rester à la villa des Rochettes. Mais leurs regrets sincères leur éviteront toute poursuite judiciaire.
Louis Delallier
* Les bombes japonaises ou pois fulminants sont des pétards de contact, sorte de petits cylindres en papier fermés à chaque bout par un disque en carton et solidement ficelés. L’intérieur est rempli de petits graviers et d’une poudre noirâtre (fulminate de mercure et de picrate de potasse).
Voir mon article sur le terrible accident qui a causé la mort d’Albert Baisse, Moulinois, employé du PLM au Breuil-sur-Couze dans le Puy-de-Dôme.
**Garçons pâtissiers.