Le Courrier de l’Allier du 13 octobre 1925 rapporte un procès aux raisons inattendues et bien tirées par les cheveux… Un coiffeur de Dijon vient d’être traduit devant la justice de paix à Dijon pour avoir coupé les cheveux d’une jeune fille âgée de 16 ou 17 ans. Le père de cette dernière lui réclame ni plus ni moins que 300 francs (équivalents à 300 euros aujourd’hui) de dommages et intérêts pour avoir commis ce forfait.
L’avocat du papa, maître Vacher, affirme qu’un coiffeur n’a pas plus le droit de couper les cheveux d’une jeune fille mineure qu’un loueur de lui louer un garni et il s’en tient à cet argument. Maître Gaston Gérard défend le coiffeur, soutenu bien naturellement par le syndicat des coiffeurs dijonnais. Il ne voit qu’une seule responsable, la jeune Mlle F. qui a sacrifié à la mode, par ailleurs charmante des cheveux courts. Il considère impossible d’exiger d’un coiffeur la vérification de l’âge de ses clientes et ne voit pas de quel préjudice moral ou matériel le plaignant peut se prévaloir. Le jugement est reporté à quinzaine.
Les coiffeurs moulinois, interrogés par un journaliste local, sont unanimes : leur confrère n’a commis aucune faute. Ils auraient agi de la même façon. L’un d’eux a précisé qu’il ne peut savoir si une jeune cliente est « fille ou femme, émancipée ou non, libre ou asservie ». Il ajoute qu’un permis de couper paternel devrait être légalisé pour être valable. Un avocat, moulinois également, assure qu’on ne peut comparer la tonte des cheveux à une opération chirurgicale nécessitant un accord préalable. Les manucures devraient-ils eux-aussi travailler avec des garde-fous ? Toute profession doit être exercée librement si elle n’atteint pas la sécurité des individus ou de la société. L’avocat n’a aucun doute sur l’acquittement du prévenu d’autant plus que, depuis environ trois ans, de nombreuses femmes ont adopté les cheveux courts. Pour lui, le débat porte sur ce que ça leur apporte en élégance.
Le 6 novembre, le verdict tombe à Dijon. Le père de famille est débouté de sa demande et condamné aux frais et dépens. Un médecin allemand, toutefois, alertera les jeunes filles sur cette mauvaise habitude de se faire raser la nuque. Cela occasionnerait, en guise de compensation, un développement excessif du système pileux particulièrement sous le nez… la menace est à retardement assure-t-il, et interviendra à la quarantaine. Elles pourront, bien entendu, se raser les moustaches ou les porter sinon à la Vercingétorix au moins à la Charlot !
Louis Delallier
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