À partir du 5 juin 1946, est présentée à Moulins, place d’Allier, une chenille* de mer capturée par un pêcheur de Royan, au large du phare de Cordouan, à 14 km en mer.
Le pêcheur raconte que son collègue et lui (messieurs Giricq et Barnet) ont été attaqués par le monstre qui faisait des bonds impressionnants autour du bateau. Ils en sont venus à bout à coups de harpons après plusieurs heures d’efforts. Mais, tous les deux ont été blessés assez sérieusement en remontant la chenille à bord de leur bateau.
C’est la première fois qu’on rencontre près des côtes françaises la redoutable chenille de mer de Floride sans doute arrivée par le Gulf-Stream.
David Starr Jordan, A guide to the study of fishes, vol. 1, éditeur Hernry Holtand company, New-York, 1905
Sa peau très souple est recouverte de plaques osseuses ressemblant à du marbre et hérissée de milliers de pointes effilées jusqu’à sa queue formée d’un seul lobe qui rendent cet animal très dangereux pour tous les engins de pêche. Sur le côté droit de la mâchoire inférieure, on trouve une seule rangée dentaire verticale et sur le côté de gauche, une double rangée dentaire horizontale. La mâchoire supérieure possède des dents tranchantes. La chenille de mer de Floride possède deux nageoires pectorales, deux ventrales, une caudale et une dorsale. Celle-ci pèse 192 kg et mesure 2m 60 de long. Son tour de taille approche 1m 55. Elle peut avaler jusqu’à 30 kg de poisson plusieurs fois par jour. Elle continue sa chasse jusque dans les filets de pêche dont elle lacère les mailles. Elle s’attaque à toutes sortes de proies : marsouins, saumons, requins et même des baleines sur lesquelles elle s’acharne en groupe. Sa force prodigieuse lui permet de renverser une barque de pêche. C’est une nageuse d’une très grande rapidité.
La chenille de mer se tient surtout dans les fonds de 250 mètres environ. Elle ne vient que par couple vers la surface pour y chercher sa nourriture.
On estime l’âge de la chenille exposée à 300 ans environ d’après les parties osseuses de son corps, mais ce calcul reste difficile à certifier.
Cette chenille continuera son parcours par une exposition à l’Olympia de Londres où elle a été vendue pour 75 000 francs.
Les journaux relatant ce passage remarqué à Moulins ne font état d’aucune espèce précise
Cependant, la description faite de la chenille fait penser au requin-lézard, également nommé requin frangé, requin festonné, requin à tunique ou requin à collerettes et dans le langage des spécialistes Chlamydoselachus anguineus (cf illustration ci-dessus).
Un squale, à la description analogue, capturé au large de la Rochelle à la fin du mois de décembre 1913 fait l’objet d’une communication en mai 1914 de la société zoologique de France. Il y est fait mention d’un autre Chlamydoselachus anguineus attrapé en 1906 aux environs de la Corogne en Espagne.
Louis Delallier
*Cette chenille voyageuse a déjà été exposée à Moulins en janvier 1939 avant de l’être dans plusieurs autres villes de France, puis au palais Berlitz à Paris et à New-York. Elle a été achetée par le centre de pisciculture de Boston.